jeudi 29 mars 2018

A contre-courant d'Antoine Choplin (RL janvier n°9)

Je songe à la pluralité de nos chemins.
Aux lignes qui se croisent, à celles qui s'épousent.
A celles, les plus nombreuses, qui ne se rencontrent jamais. 

Je crois que je l'écris à chaque fois que je chronique un livre d'Antoine Choplin et c'est de plus en en plus vrai, avoir entre les mains ses nouvelles parutions a quelque chose du cérémonial. Je regarde, je touche, j'ouvre et puis, je le pose sur mon rebord de fenêtre, en sachant qu'il est là. Je laisse passer quelques livres et puis, voilà, c'est le moment, le début de vacances par exemple, en tout cas, un moment où je suis pleinement disponible pour cette lecture. Et là, c'est comme retrouver un ami qu'on ne voit pas souvent, on sait que ça ne va pas durer bien longtemps, qu'après, il faudra attendre un, voire deux ans, alors on avance sans vouloir aller trop vite, mais ça défile et trop tôt, c'est déjà fini. 
C'est la première fois que je lis un livre d'Antoine Choplin qui n'est pas un roman. Il a décidé de marcher le long de l'Isère, à quatre moments de l'année pour profiter des saisons. Aux réflexions sur le paysage se mêlent quelques souvenirs personnels, des phrases sur la marche mais aussi sur l'écriture. C'est sans aucun doute le livre le plus intime de l'auteur, ou disons celui dans lequel on perçoit le plus d'intime, chez cet auteur qui ne semble jamais se livrer dans ses fictions. Et je l'ai savouré comme il le mérite. Comme avec ses romans, je ne sais pas clairement expliquer ce qui me réjouit, une délicatesse certaine mais aussi une profondeur qui n'a pas besoin d'étalage. Antoine Choplin fait partie de ces auteurs qui sont entrés dans ma vie "sans faire de bruit", ce ne fut pas un coup de foudre mais l'apprentissage, de livre en livre (c'est le sixième que je déguste) d'une plume. Ça rend le lien plus fort d'avoir été tissé avec le temps et surtout, c'est le seul auteur dont je sais à chaque fois que je le lirai. Je mets au défi les marcheurs de ne pas avoir envie de chausser les baskets ou les chaussures de marche à la lecture de ce livre. Le parcours emprunté est très intéressant car l'auteur a parfois traversé des lieux qui ne sont pas ceux des marcheurs, des banlieues, des villes. 
Mais éprouver sa propre étrangeté dans l’œil des autres est aussi un agrément. Il éveille le sentiment d'une singularité naissante et qui appelle parfois avec facilité la parole et l'échange. 
Comme dans la vie, comme dans l'écriture, il a parfois dû rebrousser chemin et emprunter un autre sentier. Et moi qui invente toujours des vies aux inconnus que je croise (dans les files d'attente par exemple, quand je saisis des bribes de conversation), j'ai aimé les interrogations autour des personnes rencontrées, comme celle qui consiste à se demander pourquoi cet homme qui n'a absolument aucune envie d'écrire, pense qu'il devrait écrire après être sorti d'un coma. Il y aussi ces moments touchants, la manière dont il parle de la collaboration avec les prisonniers sur son festival de l'Arpenteur. Il suffit de passer quelques heures en compagnie de l'auteur pour parfaitement visualiser ce que peuvent être toutes ces rencontres avec les autres, un mélange de chaleur, de délicatesse (oui, c'est un mot qui revient quand je pense à l'auteur et à ses romans) et d'écoute des autres. 
Je ne sais pas s'il vaut mieux commencer par ce livre et enchaîner sur un roman ou l'inverse mais j'ai aimé apprendre que l'auteur ne décrit jamais de visages dans ses romans, j'avoue que cela ne m'avait pas frappée. 
Il y a dans ce livre un passage très particulier sur lequel j'ai eu envie de poser des questions à l'auteur et j'aurais pu le faire. Mais non, je veux rester avec cette part de mystère, inventer le pourquoi, le mien, celui du lecteur.
C'est un peu long, il faudra m'en excuser mais le temps partagé avec ce livre m'a paru bien trop court et pourtant, je le sais, il était de la durée idéale pour partager quelques pas, sans se lasser, avec l'envie de remettre bientôt, mes pas dans ceux de l'auteur. 
Sauf exception, j'aime la parole du marcheur. La façon dont elle s'arrange de sa profondeur et de sa superficialité. La place qu'elle autorise au silence. Pour ces motifs, entre autres, je garde en moi le souvenir précis d'instants de marche partagés. 

Publié en janvier 2018 chez Paulsen (et non, pas à la Fosse aux Ours). 210 pages.
Je signale que c'est la première fois que je possède un livre numéroté de l'édition originale (446/1000) et ça confère à mon livre un charme supplémentaire.

Qui voulez-vous que je remercie d'autre qu'Antoine Choplin pour ce qu'il écrit et pour les deux moments partagés l'an dernier lors du Festival Terres de Paroles ?
A conseiller aux marcheurs, aux amateurs d'écriture et de plume délicate.

                                               

mardi 27 mars 2018

Ar-men d'Emmanuel Lepage (BD)

Germain vit dans un phare, dans les mers bretonnes, près de l'île de Sein. Il découvre sur les murs, gravée sous une couche de peinture, l'histoire de ce phare, celle de ses origines et de sa construction. C'est cette histoire, mêlée à la vie du phare du temps de Germain, dans les années 1960, ainsi que les légendes du coin que nous retrouvons dans cette BD.

J'avais déjà lu deux BD d'Emmanuel Lepage avec des ressentis différents. La première fois, j'avais tellement été époustouflée par la qualité du dessin que cela avait primé sur l'histoire. La deuxième fois, j'avais trouvé ça toujours aussi beau mais je m'étais ennuyée. C'est à nouveau ce que j'ai ressenti cette fois. Ce n'est pas un ennui total, parce qu'on apprend toujours avec Emmanuel Lepage. Mais c'est très didactique et cela se sent. J'ai plutôt aimé les légendes, sans doute aussi parce qu'elles permettent un changement dans la palette des couleurs mais j'ai trouvé certains passages longs. Je n'ai néanmoins aucun regret à avoir ouvert cette BD et je pense même que ce n'est pas la dernière fois que je lis cet auteur. 

Publié chez Futuropolis en novembre 2017. 96 pages. 

Merci à l'opération La bd fait son festival de Price minister

dimanche 25 mars 2018

Street art à Bristol

Ça fait des années que j'étudie le street art avec mes élèves mais il faut bien le reconnaître, aller à Bristol ouvre des perspectives nouvelles, tout d'abord parce qu'on découvre que si Banksy a ouvert la voie, il est loin d'être le seul artiste à découvrir, mais aussi parce qu'on perçoit à la fois les rivalités, certains tagueurs prenant un malin plaisir à "dégrader" les œuvres des autres artistes, mais aussi le côté éphémère de l'art. Chaque visite est différente parce que la ville change chaque jour, que des œuvres disparaissent sous d'autres. C'est comme un musée gratuit et à ciel ouvert.. Je vous conseille très vivement de prendre une visite guidée avec Wherethewall, un collectif composé d'artistes. Ils savent de quoi ils parlent et ça se sent. Je ne vais pas m'étendre sur Banksy qui n'a pas besoin de ça mais nous allons tout de même commencer par lui. Il a sans doute fait de Bristol ce qu'elle est devenue, un endroit branché au lieu d'une ville sur le déclin. Notre guide nous expliquait que le tag servait à rendre plus laide une ville qui l'était déjà mais que le street art la rendait plus belle. Il suffit d'aller à Bristol pour s'en rendre compte. 

Quitte à commencer, autant commencer par le maître, celui qui a tout changé. C'est The well-hung lover qui fut la première oeuvre commentée par notre guide. Street art et rumeurs font bon ménage et notre guide nous a expliqué qu'une rumeur dit que Banksy a mis cette oeuvre en face de la mairie parce que le maire était soupçonné d'adultère. Nul doute que les élèves se rappelleront de l'anecdote. Les taches bleues sont le signe marquant des rivalités puisqu'elles sont les marques laissées par deux tagueurs qui s'en prennent régulièrement à Banksy, depuis qu'il expose dans les musées. Le rat, que l'on associe à Banksy a été emprunté par Bansky à un autre artiste qui est revenu, non sans humour, faire un clin d’œil: 



L'une des rumeurs dit que Banksy serait lié au groupe bristolien Massive Attack car des oeuvres apparaîtraient dans les lieux où ils sont en tournée.




Mon oeuvre préférée est d'un artiste dont je n'avais pas entendu parler, JPS. Ces deux adorables petites filles sont en fait en train de s'échanger de l'argent. On ne nous dit pas ce qu'elles dealent.  

Trump est évidemment au centre de plusieurs caricatures. Cette oeuvre datait de deux jours quand nous l'avons vue. L'abeille est quant à elle caractéristique d'un artiste dont j'ai oublié le nom, on la retrouve donc souvent à Bristol. 

Un grand merci à notre guide française. Merci à Fabien de m'avoir initiée au trip hop de Massive Attack. 
A conseiller à tous ceux qui veulent découvrir l'art urbain plus ou moins éphémère. 

jeudi 22 mars 2018

L'infinie patience des oiseaux de David Malouf (RL janvier n° 8)

En 1914, Ashley revient en Australie et va y rencontrer Jim. Ils ont le même âge et sont tous les deux passionnés de la faune qui entoure les marais. Ils vont unir leur amour de la nature et espérer construire ensemble un repère pour oiseaux, sous l’œil avisé d'Imogen, une quinquagénaire anglaise photographe. Mais la guerre éclate et les deux jeunes hommes sont mobilisés et partent pour l'Europe. 
Il est court ce roman et heureusement pour moi parce que sinon, je ne l'aurais pas fini. Les romans sur la guerre, c'est un peu quitte ou double avec moi mais alors, les romans avec des oiseaux, ça passe rarement. 

Publié en janvier 2018 chez Albin Michel. Ce roman est écrit par une pointure australienne (d'après la quatrième de couverture) dont je ne connaissais pas l'existence. Je me rends compte que je suis incapable de citer un auteur autralien. 

A conseiller aux contemplatifs. 

mardi 20 mars 2018

Faire mouche de Vincent Almendros (RL janvier n°7)

Je crois que c'est grâce à une opération Masse Critique de Babélio que j'avais découvert Vincent Almendros avec Un été. Et ce fut un coup de cœur. Moi qui n'aimais pas, il n'y a pas si longtemps, les romans de moins de trois cent pages, j'avais été charmée par ce texte qui n'en comportait pas deux cent. J'en avais adoré l'ambiance, qui m'avait rappelé celle du  film, Plein Soleil,  avec Romy Schneider, Alain Delon et Maurice Ronet. Il me fallait maintenant affronter le deuxième roman de l'auteur, avec forcément la peur d'être déçue. Mais l'histoire d'amour continue encore un peu. Ce ne fut pas aussi intense que le premier rendez-vous mais j'ai pris un réel plaisir à rencontrer Laurent et à tenter de comprendre un à un les mystères qui l'entourent: pourquoi retourne-t'il dans le village de son enfance avec une femme qui s'appelle Claire mais qu'il nomme Constance? Qui est vraiment cette mère qui lui a un jour fait boire de l'eau de javel? Qui sont ces couples mis en scène dans le roman?
On tourne autour des questions, on sent se tisser la toile, surtout quand on connait déjà l'univers de Vincent Amendros et déjà on tente de percer les mystères de l'auteur. Pourquoi ce thème récurrent (oui, deux fois sur deux, ça devient récurrent), de l'enfant et de sa paternité, d'autant qu'ici le thème est décliné de deux manières? L'idée de filiation est omniprésente. Je ne peux pas beaucoup développer car c'est un roman qui mérite de ne pas être dévoilé mais c'est un auteur qui, sans aucun soute, doit être découvert. Si la forêt est sans nul doute le décor majeur de ce roman, c'est tout de même la scène de la baignade dans le lac qui me restera (l'eau est définitivement mon élément). On retiendra aussi de nombreuses images, celle des mouches et des urnes mortuaires notamment. On ne va pas se quitter tout de suite, Vincent Almendros et moi. 

Publié aux Editions de Minuit en janvier 2018. 127 pages. 

A conseiller aux amateurs d'ambiance. 

dimanche 18 mars 2018

Si je devais...

Si je devais, en cinq photos, convaincre une personne de m'accompagner en Angleterre pour la première fois, je lui proposerais cinq temps forts de ma semaine (en sachant qu'un moment ne peut être qu'un rêve mais comme me l'écrivait mon proviseur adjoint pendant mon séjour: "Dream well and have well" -l'espoir fait vivre- je venais de lui réclamer une cantine comme celle de Christchurch College):

1. Je lui proposerais de nous balader au bord de la rivière Avon à Bath, sur les pas de Jane Austen, et surtout de découvrir cette rue qui est en fait un pont, même si on ne le remarque pas quand on est dessus. 

2. Je privatiserais the great hall de Christchurch College pour y dîner. En cas de dispute (nous ne sommes jamais à l'abri), nous pourriez toujours manger chacun à un bout de la table. 


3. Nous déambulerions dans Bristol, mon coup de cœur de la semaine, pour découvrir le street art (et comme cela mérite un billet, je vous en reparle dimanche prochain). Il faut regarder mon préféré dans les détails pour comprendre que cette oeuvre de JPS n'est pas si innocente qu'elle en a l'air. Et comme j'ai eu le droit à une excellente visite guidée, je pourrais peut-être l'impressionner un peu.


4. Nous irions écouter un concert au Millenium stadium à Cardiff, le deuxième plus grand stade  avec un toit rétractable au monde. Noyés parmi 74,000 autres spectateurs,  nous écouterions Sting, et nous aurions la chair de poule quand il chanterait The shape of my heart (" If I told you that I loved you/ you'd maybe think there's something wrong/ I'm not a man of too many faces/ The mask I wear is one"), écouté en boucle quand je m'isolais cette semaine, avec deux autres chansons du chanteur. Mystérieusement, j'ai aussi entendu cette chanson provenir du fond du car le jour de notre visite à Cardiff . A l'aller, nous irions visiter la mine de Black Pit




5. Je ne me lasse pas de Londres, ce serait donc le clou de notre séjour et nous passerions évidemment devant mon monument préféré, celui dédié aux femmes de la seconde guerre mondiale. Nous nous isolerions ensuite au sous-sol de  L'Admirality, un pub à ne pas manquer, une manière d'être seuls au monde en plein milieu de Trafalgar Square (et je lui expliquerais peut-être que si Nelson a le bras en bandoulière, ce n'est pas pour imiter Napoléon mais parce qu'il a perdu un bras à la guerre).


Merci à Ali, Fabien, Leïla, Nathalie (auteure de la première photo), Sandrine et nos 61 sympathiques ados qui m'ont accompagnée tout au long de la semaine. 
A conseiller à tous (on ne peut vraiment pas passer à travers une visite anglaise un jour ou l'autre!). 

vendredi 16 mars 2018

Couleurs de l'incendie de Pierre Lemaître (RL n°6)

Marcel Péricourt est mort et un enterrement comme celui d'un tel homme est forcément un événement. Evénement qui devient encore plus important quand le petit-fils de Marcel, Paul, se défenestre. Mais qu'est-ce qui peut bien pousser un enfant de sept ans à commettre un tel acte? Mathilde, la mère de Paul, est désormais à la tête d'un empire qu'elle ne sait pas gérer, puisqu'elle n'a évidemment pas été éduquée pour le faire. Nous sommes en 1927, les femmes n'ont normalement ni l'argent, ni le pouvoir. Mathilde est entourée de requins, pas tous de sexe masculin d'ailleurs. 

Quand j'écoute un livre, il y a une manière très simple de savoir s'il me plait ou pas, c'est de mesurer mon envie d'enchaîner des activités qui me permettent l'écoute. J'ai ici enchaîné jogging et ponçage de meubles avec un plaisir qui en disait long sur mon ressenti. Et j'ai ri. Ça ne m'arrive pas si souvent que ça en écoutant un livre et surtout, pas aussi fréquemment. Dans l'entretien, Pierre Lemaître se définit comme un feuilletoniste qui écrit des romans populaires. C'est effectivement ce qu'il est, doublé d'un formidable lecteur, et le tout offre de délicieux moments. Alors, il faut accepter d'être dans du grand-guignolesque, les traits de tous les personnages étant exagérés. Et puis, dans un roman tout de même un peu féministe (les personnages forts sont des femmes et d'ailleurs, quand on "discute entre femmes", l'homme accepte de se tenir à l'écart, joli contournement de ce qu'on appelle parfois des histoires de bonnes femmes qui sont là d'une importance capitale), les femmes sont vénales et sans scrupules. Car peu importe le moyen de se venger, tant qu'on se venge, la  vengeance étant au cœur de cette intrigue. Mais il faut savoir saisir la délicatesse cachée sous la farce. J'ai par exemple été très sensible au "couple" que Mathilde formera vers la fin avec un autre personnage et à la pudeur qui leur fait travestir une histoire amoureuse en une relation purement sexuelle. Comme toujours, l'auteur s'est documenté et autant que je puisse en juger, maîtrise à la fois la période et les domaines qu'il mentionne. Continuez donc, M. Lemaître, j'écouterai sans aucun doute le troisième tome qui mettra donc en scène la jeune Louise, qui n'apparaît pas ici. Et je l'avoue, j'aime bien quand on perçoit votre agacement dans les entretiens. 

Publié le 17 janvier 2018 chez Audiolib. 14h10. 

Merci à Audiolib.
A conseiller à ceux qui veulent rire (jaune parfois). 

                                                     
                                                                   

mardi 13 mars 2018

Un barrage contre le Pacifique de Marguerite Duras

Je continue ma découverte de Duras avec le troisième de ses livres dans l'ordre de leur parution, publié en 1950. Suzanne et Joseph vivent avec leur mère dans l'Indochine française des années 30. La concession qu'on leur a accordée est dans une zone marécageuse et ils vivent dans un profond dénuement, leur seule possession étant une vieille voiture. La mère rêve d'obtenir assez d'argent pour pouvoir construire un barrage. Suzanne, elle, ne rêve que de partir. Arrive dans la petite ville voisine un jeune homme laid et riche qui tombe sous le charme de Suzanne. Celle-ci lui permet d'admirer sa nudité mais ne se donne pas à lui. Sa mère a décrété que l'homme ne la toucherait que s'il l'épousait. 
Ce roman est très différent de ceux que j'ai lus de Duras. Ce n'est pas l'écriture qui est au centre du récit, ni l'émotion mais c'est une chronique de la vie coloniale à travers une galerie assez variée de personnages féminins et masculins. Visiblement basé sur des éléments autobiographiques, on découvre l'envers de la carte postale, les désillusions qui mènent à une forme de folie, ou du moins d'enfermement psychique et on se dit que l'adolescence de Duras n'a pas dû être une partie de plaisir. Ce n'est pas mon roman préféré, je l'ai trouvé un peu long et répétitif mais j'ai aimé le personnage de Joseph et le moment où il comprend qu'il vient de vivre un tournant et qu'il va partir. 

Publié en 1950, ce roman a été adapté deux fois au cinéma, en 1958 et en 2008. 
365 p. en Folio. 

Merci à mon CDI.
A conseiller à ceux qui veulent découvrir un peu l'adolescence de Duras. 

dimanche 11 mars 2018

Call me by your name de Luca Guadagnino

Comme tous les ans, le professeur Perlman reçoit un étudiant dans sa villa italienne (qui m'a fait rêver pendant tout le film). Cet été-là, c'est Oliver, un américain sportif, musclé et intelligent qui va passer six semaines avec le professeur, sa femme et leur fils de dix-sept ans. Ce dernier, Elio, est un jeune prodige du piano et profite de l'été pour dragouiller les filles de bonne famille du village. Mais petit à petit, il se sent attiré par Oliver qui semble garder ses distances et plaire à la gent féminine environnante. 
C'est ce film qui m'a réellement donné envie de retourner dans les salles obscures, les notes presse et public dépassant le 4/5 sur Allociné (mais pour être honnête, j'étais tentée bien avant) et comme souvent quand l'attente est grande, j'ai été déçue. Je me suis profondément ennuyée pendant la première moitié du film; heureusement que les décors sont somptueux. Ensuite, quand la relation commence réellement, il y a quelques moments de grâce, des pieds qui se frôlent, qui se font masser, des corps qui s'étreignent, le tout de manière assez pudique. Nous ne sommes pas non plus tout à fait dans du politiquement correct parce que tout de même, le corps très viril d'Armie Hammer (qui ne passait déjà pas inaperçu dans The Social Network) s'oppose à celui très émacié et enfantin de Timothée Chalamet. Les acteurs sont bons, j'ai eu un petit faible pour Armie Hammer, on le sent un moment perdu quand il a enfin lâché prise et il est touchant,  mais c'est vraiment trop long, on sent bien les 130 minutes passer. J'ai donc bien du mal à comprendre l'engouement pour ce film, si ce n'est que peut-être, ça renvoie les gens à une nostalgie du premier amour. 

Sorti le 28 février 2018. 



Merci à Florence et à sa grande ado qui nous a accompagnées et qui a, elle, adoré (un film à conseiller aux ados peut-être?). 
A conseiller aux nostalgiques des amours passées dont je ne fais pas partie. 

                                         

                                     

                                       


jeudi 8 mars 2018

la vie secrète des arbres de Peter Wohlleben

Autant le dire d'emblée, je n'aurais jamais lu ce livre en version papier et je ne l'aurais sans doute pas écouté non plus s'il n'avait pas été dans le Prix Audiolib. Peter Wohlleben est un garde-forestier allemand, enfin, il le fut. Il nous raconte la vie des arbres, la manière dont ils évoluent, dont ils font face aux dangers, leur maturité sexuelle qui n'advient pour certains qu'à ... 150 ans!
Le charme majeur de ce livre audio, c'est son lecteur. Thibault de Montalembert m'avait déjà réconciliée avec L'affaire Harry Québert, que j'avais lu en version papier avant et que j'ai nettement préféré raconté par ce lecteur. Bref, Thibault de Montalembert me lirait les ingrédients de mes produits de beauté, avec ou sans sels d'aluminium ou paraben, je ne ferais pas la fine bouche. A écouter par tranches de quinze minutes, le temps de mon trajet jusqu'à mon lieu de travail, c'est assez agréable. Je ne sais pas ce qu'il m'en restera, sauf que chaque arbre a sa personnalité et qu'en un même lieu, deux arbres de même espèce ne pousseront pas de la même manière. 
Paru en juillet 2017- 7h 09. 

A conseiller aux amoureux des forêts (ça doit être assez sympa de l'écouter lors d'une promenade en solitaire). Le festival littéraire normand Terres de Paroles propose d'ailleurs une promenade en compagnie d'extraits de ce texte dans un espace arboré. Plus d'infos ici. 
Merci au Prix Audiolib


mardi 6 mars 2018

En camping-car d'Ivan Jablonka (RL janvier 2018 n°5)

La première fois que j'ai entendu parlé de ce livre, c'était lors de la nuit de la lecture à la médiathèque. Je n'ai jamais voyagé en camping-car, ça ne m'a jamais tentée mais je suis d'un milieu social dans lequel c'est le mode idéal pour partir en vacances chaque année. J'ai donc un oncle et deux cousines qui en posséd(ai)ent un. Ivan Jablonka a lui aussi voyagé pendant une dizaine d'années dans un camping-car et pourtant, il n'est pas du tout issu du même milieu social que le mien. Sa mère était prof de français, latin, grec et son père, orphelin, avait réussi à se hisser sur l'échelle sociale. Mais nous sommes dans les années 80 et sans doute, ce ne sont pas les mêmes personnes qui utilisent ce moyen de locomotion. Et puis, là où ma famille se contente de sillonner la France, ce sont les Etats-Unis, la Grèce ou le Maroc que traversent la famille Jablonka. Ce livre est à la fois une chronique de voyages et une étude sociologique d'un mode de vie, car la famille Jablonka ne part pas seule. C'est une expérience de vie semi-communautaire. Je n'ai pas été franchement emballée par ce récit et pourtant, Jablonbla ayant à peu près mon âge je suppose, il décrit une époque qui m'est familière. Ce que j'ai préféré, c'est la sensation de totale liberté qui s'oppose à ces études faites avec un profond sérieux, et aussi, dans ses lectures, son opposition entre ses lectures plaisir (Jules Verne) et celles imposées par sa prépa (Proust). Et puis, il y a un passage qui m'a grandement touchée parce qu'il y parle de lui mais en fait aussi de moi, parce le silence lui a autant pesé qu'à moi, parce que les parents, souvent, n'aiment pas revenir sur ce qui fait de leurs enfants des êtres éminemment imparfaits. 
Un bloc de pierre s'est détaché au-dessus de moi, mais cet écrasement ne suffit pas, ma faute est inexpiable. 
Nous n'en avons jamais reparlé. [...]
Je suis un petit garçon sage et obéissant. J'écoute ce qu'on me dit. Je suis content de contenter les autres. Je ne fais pas de vagues. Mon père a assez souffert comme ça. Ma mère attend de moi la perfection. Je suis en proie à la quête de la perfection, la maladie des aînés. [...] J'étais l'incarnation du bon fils et je le suis resté pendant des décennies. 

Publié en janvier 2018 aux éditions Actes Sud. 180 pages. Cathulu est aussi mitigée. 

A conseiller à ceux qui veulent prendre l'air.
Merci Nathalie (qui l'a beaucoup aimé). 

dimanche 4 mars 2018

Lady Bird de Greta Gerwig

Christine n'aime pas son prénom et a décidé qu'on l'appellerait désormais "Lady Bird". D'ailleurs, Christine n'aime pas vraiment sa vie non plus. Élève dans un établissement catholique, elle côtoie des adolescents qui ne sont pas de son milieu social et vivent dans ces maisons qui les font rêver, sa meilleure amie Julie et elle. C'est leur dernière année au lycée et Lady Bird n'a qu'une envie, être acceptée dans une université lointaine. Mais cela semble doublement impossible : elle n'est pas assez bonne élève pour être admise et son père ayant perdu son emploi, sa famille ne peut se permettre de financer de lointaines études.
Si la bonne annonce m'avait tentée, ce film était plutôt un second choix et surtout, je l'ai choisi parce que j'avais très envie de retourner au cinéma après l'avoir déserté pendant un bon mois. C'est dire si je n'en attendais pas trop et j'ai été très agréablement surprise. Greta Gerwig explore de nombreux sujets tournant autour de l'adolescent, comme l'éveil du désir, les garçons qui ne sont jamais ce qu'ils semblent être, l'égocentrisme qui empêche de voir les problèmes des parents, l'envie d'être une autre et donc de vivre une autre vie, quitte à laisser un instant de côté les personnes qui comptent réellement, les relations avec les parents et puis bien sûr, l'envie de partir et de voler de ses propres ailes.
J'ai beaucoup aimé ce film et c'est aussi le cas de mes amies qui l'ont vu. C'est un film délicat, qui touche la mère que je suis ; c'est sans aucun doute un très joli film sur la relation mère-fille, qui m'a fait mesurer ma chance de partager ma vie avec l'ado qui est la mienne et qui rend tout si facile. C'est peut-être en partie pour ça d'ailleurs, que j'ai tant aimé ce film.
J'ai aimé tous les acteurs sauf le jeune Timothée Chalamet dont on parle tant et que je reverrai demain mais c'est sans doute son rôle de tête à claques qui m'a agacée. Et j'ai versé quelques larmes. 
Sorti le 28 février 2018- 1h35

A conseiller pour une séance mère-fille.
Merci à Nathalie de m'avoir laissée choisir le film. 


jeudi 1 mars 2018

Carnets I d'Albert Camus

Aujourd'hui n'est pas comme une halte entre oui et non. Mais il est oui et il est non. Non et révolte devant tout ce qui n'est pas larmes et le soleil. Oui à ma vie dont je sens pour la première fois la promesse à venir [...]; l'incertain de l'avenir, mais la liberté absolue à l'égard de mon passé et de moi-même. Là est ma pauvreté et ma richesse unique. C'est comme si je recommençais la partie; ni plus heureux, ni plus malheureux. Mais avec la conscience de mes forces, le mépris de mes vanités, et cette fièvre lucide, qui me presse en face de mon destin. 

Je continue mon exploration de l'oeuvre de Camus par ses carnets publiés après sa mort. Le premier volume concerne les années 1935 à 1942, avant qu'il n'atteigne donc l'âge de trente ans. Pendant ce temps, il écrit Noces, L'Etranger et Le Mythe de Sisyphe. Des trois, je n'ai lu que L'Etranger. Ces carnets sont composés de notes souvent brèves, de citations d'autres auteurs, de réflexions sur d'autres auteurs (il y a quelques passages sur Shakespeare, auteur que je ne m'attendais pas à retrouver ici). J'ai été étonnée d'y découvrir dans les premières entrées beaucoup de questionnement autour du bonheur. J'avais l'impression qu'on ne s'interrogeait pas si jeune sur le bonheur, que cela venait avec l'âge. Je suppose que cela varie d'un individu à l'autre. Il y a peu de passages réellement littéraires, plutôt des ébauches de ce que deviendra Meursault ou L'Etranger par exemple, mais tout de même parfois, des phrases subliment tout, comme celle qui ouvre ce billet. On apprend forcément à mieux le connaître au détour de certaines phrases, avec parfois l'arrogance de sa jeunesse:
Je finis toujours par avoir fait le tour d'un être. Il suffit d'y mettre le temps. Il vient toujours un moment où je sens la cassure. Ce qui est intéressant, c'est que c'est toujours au moment où devant une chose, je le sens "non-curieux". 
Je retiens aussi ce joli voeu pieux, transposable au masculin: 
Renoncer à cette servitude qu'est l'attirance féminine. 

Publié pour la première fois en 1962 chez Gallimard. 

Merci à C. pour le prêt.  
A conseiller à ceux qui veulent butiner un peu l'homme et l'auteur (c'est l'impression que ça m'a donné, de le butiner). 


Moi par (six) mois

En juillet, je publiais ici le résumé des six premiers mois de mon année. Il fallait bien une suite, la voici donc. Une suite, mais aussi ...