dimanche 30 octobre 2016

le ciel attendra de Marie-Castille Mention-Schaar

C'est pour faire plaisir que je suis allée voir ce film, l'avantage, c'est que je n'en attendais rien et j'en suis sortie en me disant qu'il fallait absolument que j'aille le revoir avec ma fille. Nous suivons en parallèle trois histoires: celle d'une famille dont la fille est arrêtée par la police pour conspiration terroriste, celle d'une femme dont on ne sait pas au début si son enfant est mort en Syrie ou s'il/ elle y est encore et celle d'une ado qui perd sa grand-mère et reçoit une demande d'ami sur Facebook d'un jeune homme dont les messages vont vite devenir addictifs pour elle. Destins parallèles de mères et de jeunes filles, les femmes sont au coeur de ce film et ce sont elles qui le portent. Toutes les actrices sont justes, n'en font pas trop et on évite la pathos. Ce film se veut surtout didactique et il remplit parfaitement sa fonction, apprendre à reconnaître chez son enfant les dérapages avant qu'il ne soit trop tard en sachant qu'il insiste bien sur un point: on ne connaît jamais son enfant.Parce que les histoires diffèrent néanmoins sur des détails qui au final, deviennent importants, le film est à la fois porteur d'espoir quand le pire a pu être évité et sans espoir quand une certaine limite a été franchie. Il y a ces mères qui portent leur fille ou/et leur douleur à bout de bras et qu'on admire. 
Je pense que c'est un film qu'il faudrait montrer en classe, même si j'avoue que dans les miennes, je ne suis pas sûre qu'il soit accueilli par tous sans quelques mouvements de révolte. Tout est bel et bien là pour faire réagir les ados, les théories du complot dans laquelle certains se reconnaîtront, l'utilisation des enfants palestiniens pour émouvoir, la copine musulmane qui a la réplique la plus drôle du film car oui, on rit deux ou trois fois, sans doute un peu plus fort parce qu'on sait qu'on n'aura pas souvent l'occasion de le faire. 

Sortie: le 5 octobre 2016. Avec Sandrine Bonnaire, Noémir Merlant, Clothild Courau, Noémie Amarger, Yvan Attal...

Merci à celle qui a eu la bonne idée d'avoir envie de voir ce film.
A conseiller à tous les ados. 

mardi 25 octobre 2016

Ils n'étaient pas pour moi


Je vous présente brièvement deux romans qui étaient dans ma pré-sélection de novembre pour le prix Elle mais sur lesquels je n'ai pas envie de m'attarder parce qu'ils ne m'ont pas procuré le plaisir que les diverses sélections m'apportent jusqu'à présent. Le premier, Ainsi fleurit le mal de Julia Heaberlin est un roman policier mettant en scène une rescapée d'un tueur un série. Elle est hantée par les voix de celles qui n'ont pas pu être sauvées (déjà ça n'est pas pour moi ce genre de phénomènes). Les chapitres alternent le ressenti de Tessa adulte face à ces affaires et les entretiens qu'elle eût avec son psy (et là, j'avoue que j'ai un trop plein de psys en tous genres dans ces sélections, je rêve de polars sans psy).J'ai trouvé l'ensemble long (560 pages), pas forcément très bien écrit et avec une fin qu'on ne voit pas venir, ce qui n'est pas un signe de réussite ici, juste un signe que cette fin arrive de nulle part. Publié en septembre 2016 aux Presses de la Cité. Il n'a pas passé le cap des pré-sélections. 


Station Eleven d'Emily St John Mandel est tout à fait différent. D'abord parce que j'ai beaucoup aimé les cinquante premières pages que j'ai trouvées très bien écrites, créant un univers pré-apocalyptique très soigné et une vraie ambiance et ce n'est pas si fréquent mais ensuite, l'auteure nous trimbale entre deux univers différents, celui d'un acteur hollywoodien à succès, mort sur scène dans le premier chapitre, et les moments post- apocalyptiques au cours desquels une troupe d'acteurs sillonnent les routes, découvrant au fur et à mesure des changements par rapport à leur dernières visites. Or, le personnage auquel je m'étais attachée au tout début disparaît pendant un long moment et ceux sur l'acteur m'ont ennuyée. Je pense que le genre de ce roman n'est pas tout à fait pour moi; même s'il m'est arrivé de beaucoup aimer les romans d'anticipation, j'ai plus de mal avec les univers post-apocalyptiques et cet effet puzzle avec les personnages n'a pas fonctionné sur moi. Si c'est votre tasse de thé, je pense que ce roman a des chances de vous conquérir. Publié aux éditions Rivages en septembre 2016. Ce roman a été sélectionné par mon jury pour poursuivre l'aventure, ex-aqueo avec Voici venus les rêveurs

dimanche 23 octobre 2016

Madeleine project, un reportage de Clara Beaudoux



Drôle de livre que celui reçu dans le cadre du Prix Elle: quand j'ai lu le résumé, je me suis dit qu'il avait toutes les chances de me déplaire, j'avais tort. En 2015, l'auteur, Clara, emménage dans un appartement. Elle sait qu'elle trouvera dans la cave les affaires de la précédente locataire, Madeleine qui occupa cet appartement pendant vingt ans. Clara n'a pas eu d'enfants et son neveu ne souhaite pas récupérer ses affaires. Petit à petit, Clara va ouvrir les boîtes, regarder les photos, lire les lettres, bref, tenter de découvrir qui était Madeleine. Sachant que Madeleine aurait eu 100 ans en 2015, on découvre avec Clara, des objets qui ont marqué leur époque. A partir de ces découvertes, Clara crée #Madeleineproject sur Twitter et ce tweet documentaire sera suivi par d'autres personnes qui auront à leur tour envie d'en savoir plus sur Madeleine ou d'aider Clara dans ses recherches, quand elle se trouve par exemple face à un objet non identifié. 
Contre toute attente, j'ai donc aimé cet OLNI parce que Clara Beaudoux parvient à nous transmettre l'émotion qu'elle ressent à fouiller dans les affaires de Madeleine, ses doutes aussi sur le bien-fondé de rendre publique sans le consentement de Madeleine une partie de sa vie. C'est à la fois une plongée dans la vie quotidienne des français avec des objets de la vie courante, une plongée dans l'Histoire (avec par exemple la couverture de Paris Match montrant Armstrong, le premier homme à marcher sur la Lune) mais aussi dans l'histoire technique avec des articles de journaux concernant le minitel ou la carte à puces et puis, évidemment, c'est une plongée dans une histoire individuelle qui devient presque universelle parce qu'elle a traversé le siècle dernier: les lettres de soldat, les annonces de décès, les souvenirs d'école. C'est émouvant d'entrer dans la vie de Madeleine et ce qui est étrange c'est que j'ai beau avoir eu envie d'en savoir toujours un peu plus sur elle, j'ai aussi accepté sans frustration ce qu'on ne saura jamais sur Madeleine.
Ce livre regroupe, dans un joli objet, les deux premières saisons de Madeleine Project. On peu ensuite aller suivre la saison 3 qui est très intéressante aussi car Clara a travaillé avec les élèves de l'école d'Aubervilliers dans laquelle Madeleine a enseigné.
Publié en mai 2016 aux éditions du sous-sol (ça ne s'invente pas). 280 p. Ce livre a emporté la pré-sélection de décembre face à Joan Sfar. 
timbres de rationnement
Madeleine






Merci au magazine Elle.
A conseiller aux nostalgiques. 

jeudi 20 octobre 2016

Exposition Gregory Crewdson

C'est à la galerie Daniel Templon que vous pourrez découvrir (ou continuer à découvrir, c'est la troisième fois que Grégory Crewson expose dans cette galerie) les œuvres du photographe. Mettant en scène des personnages ancrés dans une impressionnante nature, les photos attirent par le contraste qui émerge entre le caractère paisible de la nature et l'expression de fatigue des personnages. J'ai beaucoup aimé le jeu de lumière à l'intérieur des portes et fenêtres. C'est à la fois esthétiquement très réussi et dérangeant, il faut dire que son père était psychanalyste. Dans l'émission Ça se dispute, j'ai appris que les photos étaient en fait des composites car le photographe prend la même scène avec plusieurs focales afin que chaque détail soit net et on sent que rien n'est laissé au hasard dans les détails, comme pour la composition d'un tableau.  C'est jusqu'au 29 octobre à Paris et à Bruxelles.
Galerie Daniel Remplon
30 rue Beaubourg
75003 Paris 

Merci à Cécile qui a eu l'idée de cette expo et m'a accueillie pour deux belles journées parisiennes placées sous le signe de la culture.
A conseiller aux fans de Wes Anderson et de Carver (ils sont mentionnés dans l'émission de France Culture). 




mardi 18 octobre 2016

Voici venir les rêveurs d'Imbolo Mbue

Jende Jonga a quitté sa ville natale de Limbé au Cameroun pour réaliser son rêve: émigrer à New-York. A force de travail et d'abnégation, mais aussi grâce à l'aide financière de son cousin, il est parvenu à faire venir sa mère et son fils. Jende fait le taxi pendant que sa femme, très motivée, poursuit des études pour devenir pharmacienne. Et puis, en 2007, la chance leur sourit puisque Jende est embauché en tant que chauffeur par un riche homme affaire qui travaille pour Lehman Brothers. Il ne compte pas ses heures, obéit aussi bien au patron qu'à ses fils mais en échange, il gagne suffisamment pour mettre de l'argent de côté. Et de l'argent, il va lui en falloir parce qu'il a besoin d'un avocat pour rester sur le territoire américain. 
Vous allez dire, oui, c'est une énième version du rêve américain. Certes, mais en plus de nous présenter une galerie de personnages vraiment attachants et pourtant capables d'actions moralement répréhensibles, autant du côté des immigrés que dans la famille riche de l'employeur, Imbolo Mbue parvient à faire un tableau tout en nuances dont le dénouement est n'est pas totalement un constat d'échec. Parmi les portraits qui m'ont particulièrement marqués, il y a celui de la femme de Jende qui travaille dur pour réussir et doit affronter les remarques acerbes d'un doyen lui disant que vu sa situation d'immigrante sans le sou, elle devrait revoir son ambition à la baisse. Et il y a Vince aussi, le fils aîné né du bon côté qui refuse de se laisser enfermé dans le moule américain. Il y a bien sûr une dénonciation pas toujours originale (mais sans doute fondée) sur le manque de culture des américains qui leur fait prendre l'Afrique pour un seul pays et penser que tous les pays africains sont proches et interchangeable. Ce roman fut pour moi une agréable surprise et pourtant, j'aurais dû savoir qu'il risquait de me plaire après avoir lu les avis des Petites madeleines, Jostein, Les lectures d'Isabelle et Léo, Le chat du Cheshire, Delphine.

Publié chez Belfond en août 2016.420 p.

Merci au magazine Elle (il est dans ma pré-sélection de Novembre).
A conseiller aux amateurs du rêve américain, surtout si ce rêve est un peu bousculé. 




dimanche 16 octobre 2016

Comment tu parles de ton père de Joann Sfar


Au CM2, j'ai souhaité faire plaisir à mon père en tombant amoureux d'une Juive. Cela m'a demandé beaucoup d'efforts. Il n'y en avait qu'une dans l'école  et Dieu, pour m'éprouver, l'avait affublée d'un nez rébarbatif. 

Au moment où Joann Sfar commence son récit, son père vient de mourir. L'auteur mêle les souvenirs du passé avec les moments plus récents, ceux qui suivront la mort du père, un père qui ne fut pas un port d'attache puisqu'il dit qu'il se sentait mieux dans la famille de sa femme que dans la sienne, mais dont la disparition lui rappelle tout de même qu'après la mort de sa mère quand il avait trois ans, ce fut lui qui l'éleva. Dans cette première partie, écrite un an avant la deuxième, Joan Sfar est tendre et drôle. Tendre envers son père mais pas au point de gommer les défauts de cet homme qui n'accepta jamais totalement la mère -non juive- de ses petits-enfants. Tendre aussi envers cette femme qui justement lui donna ses enfants et dont il est pourtant séparé.  Drôle quand il parle de religion et dans un monde où l'athéisme me semble parfois en voie de disparition, moi qui ai connu des adultes de la génération de mes parents pour qui être athée était un acte de rébellion, presque un acte militant, ça m'a fait du bien cet athéisme ou plutôt cette distance irrévérencieuse mais tendre qui n'est ni rejet, ni critique. Certaines phrases choqueront sans doute et ce sont sans doute celles que j'ai le plus aimées. Et puis, il y a aussi ce Joann Sfar qui devient presbyte  et qui associe cette infirmité au début du déclin, comme il le fut pour son père. J'ai donc adoré les 100 premières pages de ce livre. Puis, Johann Sfar raconte qu'un an après avoir posé son stylo, ou plus vraisemblablement d'avoir abandonné son clavier, son éditrice lui suggère de reprendre ce qu'il a laissé inachevé. Dommage parce que ce qui suit n'est pour moi qu'aigreur et règlements de compte: envers son ex-fiancée, celle qui l'était encore dans la première partie ou envers l'un de ses producteurs. Ce n'est plus drôle, plus tendre, c'est pathétique. Eva et Moka n'ont pas aimé.

Publié le 17 août 2016 chez Albin Michel. 160 p.

Merci au magazine Elle.
A conseiller à ceux qui aiment l'humour un peu grinçant. 








jeudi 13 octobre 2016

Chanson douce de Leïla Slimani

Il n'a pas su pleurer cette femme qui l'avait quitté car malgré ses huit ans, il avait l'intuition que cet amour-là était risible, qu'on se moquerait de lui et que ceux qui s'apitoyaient faisaient un peu semblant.  

Myriam a aimé prendre du temps pour s'occuper de ses enfants, elle a même fait un petit deuxième pour ça, en profiter encore un peu. Mais la brillante élève qu'elle fut se réveille et elle souhaite connaître enfin les joies du barreau. Quand elle croise un vieux copain de fac qui lui propose de venir travailler dans son cabinet, elle saute sur l'occasion. Mais bien sûr, il faut d'abord trouver une femme pour garder les enfants et c'est Louise qui est choisie. 

Dès le début, on sait que Louise a tué les enfants. Pourtant, je n'ai pas trouvé que ce roman était glauque. Il est noir parce que qu'il montre la misère dans laquelle vit Louise sous ses apparences comme il faut. Elle a passé son temps à vivre pour les autres, pour ces familles pour lesquelles elle travaillait sans prendre du temps pour les siens. La voici donc seule et elle va petit à petit s'immiscer dans la vie de ces employés, s'accrochant à eux jusqu'au drame final. Leïla Slimani met ici en place un drame social dans lequel les moins sympathiques ne sont peut-être pas ceux qu'on pense. Myriam et son mari Paul sont pétris de condescendance envers cette femme, ils la trouvent parfaites mais dès qu'elle sort un peu des rails qu'ils ont posé, ils la condamnent. Qu'ils préfèrent vivre pleinement leur vie professionnelle ne m'a pas choquée plus que ça, les enfants trouvent une mère de substitution et ils n'ont pas l'air malheureux mais le regard posé sur cette femme, dont on a l'impression qu'ils n'ont même pas envie de savoir comment elle vit quand elle sort de leur appartement m'a profondément agacée, ce qui est le but. Leïla Slimani ne nous dépeint pas un monstre, elle nous dépeint une femme qui a commis un acte monstrueux. C'est un roman intéressant, que je suis contente de trouver dans les listes de prix même si je ne suis pas sûre qu'il mérite d'être si présent, si j'en compare l'écriture (loin d'être désagréable mais pas inoubliable non plus) avec d'autres romans de cette rentrée. C'est un coup de coeur pour les lectures du mouton

Publié en août 2016 chez Gallimard. Toujours en lice pour le prix Goncourt. Renaudot et de Flore. 

Un grand merci à Marjorie
A conseiller aux amateurs de drames sociaux. 


mardi 11 octobre 2016

La danseuse de Stéphanie Di Giusto: la polémique

Avant de parler de la polémique autour de ce film, que nous avons découverte au retour de la séance en cherchant des informant sur Loïe Fuller, parlons du film en lui-même. Loïe Fuller vit dans le grand ouest américain avec son père français. Elle a beaucoup d'affection pour lui mais il lui arrive de le raccompagner en brouette après des virées nocturnes particulièrement arrosées au cours desquelles il se bat. Un jour, ceux avec qui son père a eu un contentieux viennent l'assassiner, laissant l'adolescente seule. Elle rejoint donc sa mère qui vit dans une communauté religieuse. Autant dire que très vite, elle s'y sent à l'étroit, elle qui a toujours rêvé du devant de la scène. Elle commence par faire de la photo érotique puis va monter des spectacles de danse mettant en scène sa robe et des jeux de lumière. Elle rencontre un aristocrate ruiné qui lui suggère d'aller aux Folies Bergères. Ni une, ni deux, elle lui pique quelques billets et part en France. A force d'obstination et d'un entraînement intensif, elle parviendra à être engagée aux Folies Bergères et même à l'Opéra de Paris. 
Je suis ressortie du cinéma plus enthousiaste que mon amie. D'abord, j'aime de plus en plus Soko vue récemment dans Voir du pays et elle est à nouveau très bonne dans ce film et puis certaines scènes de danse sont très belles. La passion de Louïe Fuller force l'admiration puisqu'elle se ruine la santé. Mon seul bémol concernait Lily-Rose Depp qui n'a pas, à mon avis, le charisme nécessaire pour jouer le grande Isadora Duncan. 
Et puis, je découvre que l'un des personnages principaux du film, cet aristocrate amoureux de Loïe n'a jamais existé, que même si l'homosexualité de Louïe est évidente dans le film puisqu'elle perd la tête pour la jeune Isadora, il n'y est nulle part question de la longue relation qui l'unit à son assistante. L'oubli est gênant, l'ajout l'est tout autant puisque dans le film, c'est par obligation envers le père de cet aristocrate que le directeur de l'Opéra de Paris l'engage. De plus, il sera l'épaule protectrice du film, épaule dont Loïe ,n'a donc pas eu besoin. Alors que Loïe semble avoir vécu une relation sereine pendant trente ans avec Gabrielle, interprétée avec justesse pat Mélanie Thiery, le film n'évoque qu'un désir non partagé pour Isadora dont on ne sait même pas s'il a réellement existé et qui en plus, au détour de la scène de baiser entre les deux femmes, relègue Loïe dans une position très dévalorisante. Bref, je me demande à quoi sert de faire un biopic si on ne respecte pas la vie du personnage. Pour plus de détails sur la polémique et les arguments (poussifs) de la réalisatrice, je vous renvoie à l'article de Médiapart même si je n'irais pas jusqu'à parler de lesbophobie. 

Florine est plus dure que moi. Danses avec la plume est aussi gênée par les inexactitudes. Contrairement à moi, Bottines a aimé les débuts de Lily-Rose Depp.





dimanche 9 octobre 2016

La nuit avec ma femme de Samuel Benchetrit

 Je vais le bousiller en quelques phrases. Moi, son père. Lui cogner le coeur. Tu es né il n'y a pas longtemps. C'était marrant la vie. C'est fini. C'est plus marrant. Ce ne sera plus jamais complètement marrant. 

Marie Trintignant est morte il y a plus de dix ans quand Samuel Benchetrit décide de lui redonner vie, le temps d'une nuit, de lui parler, manière pudique d'esquisser un portrait de celle qui était encore sa femme lorsque Bertrand Cantat la tua. C'est aussi une manière de parler de l'amour en général, celui qui l'unit à Marie mais aussi celui qui l'unit encore à Anne, la mère de sa fille, et peut-être plus que tout à ce fils orphelin de mère. L'auteur est ici toujours dans la retenue et d'ailleurs, ce qu'il ne dit pas est aussi important que ce qu'il dit. S'il décrit la relation avec son fils, le moment où il faut annoncer que sa vie ne sera plus jamais comme avant, puis la vie d'après, sans Marie, s'il parle de sa fille qui un jour réclama elle aussi d'avoir la photo de la mère de son frère, il ne parle pas des autres enfants, ni des autres hommes de la vie de sa femme, sauf bien sûr de Bertrand Cantat qu'il ne nomme pas et de l'autre homme de la vie de Marie dont Cantat dira qu'il prend beaucoup de place: son père. Quant aux enfants de Cantat, tout aussi victimes que les enfants de Marie, c'est par la voix de son fils que l'interrogation sur leur sort est posée et le regard que l'auteur porte sur la mère de ces enfants est empli de tendresse. C'est aussi avec pudeur qu'il évoque sa première partenaire sexuelle, celle d'avant Marie, donnant plus de poids à cet amour qui se développera ensuite. Ce livre est autant une déclaration d'affectation à Marie qu'à Anne, la mère de sa fille, dont il peint un très beau portrait. Il y a de très beaux passages, douloureux, tendres ou révoltés. Je me suis souvent dit en me promenant au Père-Lachaise qu'on visitait un lieu qui reste douloureux pour ceux qui y ont enterré les leurs. Samuel Benchetrit nous le rappelle d'une belle façon. Je ne suis pas sûre que ce livre est pour tous mais s'il a fait du bien à son auteur, ce que j'espère, je l'ai trouvé apaisant. Il prouve qu'on peut porter un manque, de la tristesse, du ressentiment et n'être ni aigri, ni vindicatif tout en rappelant le poids de la méchanceté. Il m'a sans doute touchée parce que je me souviens encore des moments à attendre des nouvelles de Marie Trintignant. Contrairement à ce que pense l'auteur d'ailleurs, je suis sûre qu'un grand nombre de ceux qui attendaient ces nouvelles n'étaient pas pris de curiosité malsaine mais étaient réellement inquiets. En quelques jours, Marie Trintignant était devenue le symbole de toutes les femmes qui mouraient sous les coups. Ne pensez pas que ce livre est triste, je crois qu'avant tout, c'est pour moi une formidable histoire d'amour qui se construit sous nos yeux entre un père et son fils forcés de chercher de nouveaux repères. 

Publié en août 2016. 170 p.  

Merci à Babelio.
A conseiller ceux qui auraient tendance à oublier pourquoi le pardon peut être si difficile à accorder. 

jeudi 6 octobre 2016

Continuer de Laurent Mauvignier

...peut-être même que depuis tout à l'heure, il lui sourit vraiment, comme un fils peut sourire à sa mère, avec pudeur et amour, avec une forme de tendresse et de complicité qui se passe de mots parce qu'elle les contient tous, dans le secret d'un sentiment qui les dépasse. 

Sibylle a enfin réussi à quitter le père de son enfant, Benoît,  qui multipliait les infidélités et vit désormais seule avec son fils prénommé Samuel en hommage en Samuel Beckett. Quand la gendarmerie l'appelle pour qu'elle vienne chercher son fils qui a passé la nuit en cellule, elle est effondrée. Alors que le père suggère de le mettre en pension, Sybille choisit un tout autre chemin pour les sortir du marasme dans lesquel ils s'enfoncent: elle prépare un voyage à cheval pour eux deux au Kirghizistan, ce qui provoque les sarcasmes de Benoît. 

Il est rare que je publie un billet le jour où je finis la lecture d'un roman mais je ne pouvais pas attendre avant de la partager avec vous. J'ai dévoré la première moitié en un voyage en train et heureusement, mon court voyage s'est arrêté, m'obligeant à faire un pause et à retarder le moment où je quitterai ce roman. Je ne le savais pas encore mais ce roman ne me quittera pas avant bien longtemps car si j'ai beaucoup aimé la première moitié, c'est la seconde qui m'a emportée. En le lisant, je me suis dit qu'il n'y en avait pas tant que ça des auteurs dont l'écriture me transporte à ce point à chaque fois et je les chéris d'autant plus, ces auteurs dont la seule plume me bouleverse. Il se trouve que pour la première fois, Laurent Mauvignier m'a aussi tiré des larmes dans ce roman et étrangement, pas par rapport à la relation mère-fils, ni par rapport au passé douloureux de Sybille (encore que, je crois que les larmes étaient tout près à ce moment-là) mais c'est à travers les yeux du père, qui en prend plein la figure mais que l'auteur réhabilite grâce à ce magnifique passage où il découvre un papillon alors qu'il a vu partir une chenille. En plus du sujet- cette relation mère-fils qui me semble différente de la relation mère-fille, construite en partie sur les étapes partagées dans le fait de devenir femme et sur la complicité qui en découle- et de l'écriture, il y a le dépaysement. Ce roman aurait aussi pu s'appeler Réparer les vivants. Mais l'infinitif du verbe continuer lui convient aussi très bien. J'ai tellement envie de vous dire de vous lancer dans l'aventure, de découvrir ce regard de parents portés sur leur fils aimé mais qui leur échappe, ce qui est le propre de la relation parent/ adolescent. C'est lorsque l'adolescent devient capable d'accepter ses parents sans les juger qu'il devient un peu adulte. C'est un très beau roman d'amours au pluriel, lumineux même s'il est parsemé de nuances de gris ou de noir, qui évoque les liens dont il faut savoir se défaire (il y a un magnifique passage sur ceux qu'on laisse hanter nos nuits alors qu'il nous faut continuer à vivre, qui peut d'ailleurs s'appliquer à la fin de toute relation amoureuse). Continuer sans nous forcer à porter des fardeaux  mais continuer en se battant pour ceux qui sont essentiels et transmettre  ce qui vaut la peine de l'être. Après avoir lu le billet de  Sylire (qui en fait aussi un coup de coeur), je me suis beaucoup interrogée sur le sens du mot bien-pensant, allant jusqu'à en relire la définition parce que ce n'est pas du tout le mot qui me venait à l'esprit en refermant ce roman et que ce mot a tendance à me faire fuir. Mais oui, Sylire a raison, il l'est, notamment dans son traitement du racisme. Mais tout bien-pensant qu'il est, il le fait en analysant et en utilisant des phrases qui m'ont fait oublier qu'il l'était. Entre les lignes l'a aussi beaucoup aimé, comme Alex et  Clara. Il semble que ma moyenne soit désormais d'un coup de coeur tous les six mois. 

Publié aux Editions de Minuit en septembre 2016. 240 pages. Toujours en lice pour le prix Renaudot et Femina  alors que le Prix Goncourt a eu le mauvais goût de le retirer de la deuxième sélection.

Merci à Sylire et aux matchs de la rentrée de Price Minister  (c'est sur Instagram que vous retrouverez ma participation quand j'aurai retrouvé mon mot de passe) et à Laurent Mauvignier. 
A conseiller à tous les amoureux de la littérature française, la grande. 



mardi 4 octobre 2016

Mourir sur scène

Cela fait des semaines que je savoure ce titre toute seule, en égoïste (enfin presque, je l'ai tout de même partagé avec une amie, encore plus fan que moi de François Morel) et je me dis que vous avez sans doute mérité ce cadeau-là, ce titre  me donne presque la chair de poule. Et moi ça me donne follement envie d'aller le voir chanter sur scène dans son nouveau spectacle. 


dimanche 2 octobre 2016

Moi et les autres on voudrait savoir pourquoi on n'est pas dans le livre de Perrine Rouillon


Il va m'être très difficile de faire long pour parler de ce livre minimaliste. Ce livre, c'est un peu comme un haïku, on ne peut pas vraiment le décrire, il faut le lire pour le découvrir. Perrine Rouillon nous présente le personnage d'une histoire. Il est parfois seul sur la page, sans décor, et parfois accompagné d'autres petits personnages et il se pose des questions, ou plutôt pose des questions à son auteur. C'est mignon à souhait mais si vous aimez les histoires et/ou les dessins étoffés, je vous conseillerais tout de même de passer votre chemin car vous n'y trouverez pas votre compte. J'ai juste envie de vous dire de partir à la rencontre de ce personnage que Perrine Rouillon a finalement décidé de mettre dans ce livre. 

Publié chez Thierry Machasse en octobre 2016. 176 p. 

A conseiller aux curieux. 

Moi par (six) mois

En juillet, je publiais ici le résumé des six premiers mois de mon année. Il fallait bien une suite, la voici donc. Une suite, mais aussi ...