jeudi 30 novembre 2017

Ce sont des choses qui arrivent de Pauline Dreyfus

La vie, ce n’est pas un livre qui serait découpé en chapitres. La vie ne va jamais à la ligne.

Natalie rentre à Paris en 1943. Elle apprend qu’elle est le fruit d’une liaison entre sa mère et un ami de ma famille, ce que tout le monde dans la famille semble savoir, sauf elle. Elle comprend par la même occasion pourquoi son grand amour l’a quittée du jour au lendemain, lui laissant le cœur brisé : c’était son demi-frère. Dans cette France occupée, ce n’est pas seulement un secret de famille qui se fissure, c’est toute sa vie qui peut basculer à un moment où il est dangereux d’avoir du sang juif.
Ce roman m’a été offert par quelqu’un que j’ai rencontrée pour la première fois il y a peu (après des années de longs échanges, il était temps !) et qui l’adore. Peut-être parce que cette lecture suivait celle d’un coup de cœur, je suis passée à côté de ce monde dans lequel il n’y a de la place que pour la réussite sociale et surtout pas pour les états d’âme. De plus, je ne suis pas d’accord avec certaines phrases comme celle citée en exergue de ce billet. Justement, je trouve que la vie se découpe en chapitres. Je n’ai pas été emballée par le style. Sand doute Pauline Dreyfus n’est-elle pas une auteure pour moi.

Merci à Galéa.
A conseiller aux amateurs d’états d’âme (car s’il n’y a pas de place pour ça dans la société dans laquelle Natalie évolue, il y a de la place  pour ça dans le roman, ce qui n’est pas en soi un point négatif). 

Publié chez Grasset le 14 août 2014.

mardi 28 novembre 2017

Les vacances de Julie Wolkenstein

Sophie est prof à la fac de Caen, spécialiste de la Comtesse de Ségur. Son chemin croise Paul, un jeune thésard qui traque un film perdu de Rohmer, à sa manière puisque son but n'est pas de le retrouver mais au contraire de prouver qu'on peut parler d’œuvres que personne ne peut plus regarder. Le hasard les remet bientôt en présence à l'IMEC de Caen où ils veulent tous les deux consulter le même document. Mais le hasard existe-t'il vraiment?

J'ai découvert Julie Wolkenstein lorsque j'étais membre du jury du prix Elle pour la deuxième fois et ce fut un coup de foudre. Seulement, Adèle et moi n'a pas passé les pré-sélections cette année-là, c'est dire si je suis représentative du prix. Et comme Les vacances est dans la pré-sélection de février cette fois, je croise les doigts pour que mon coup de cœur ne signifie pas qu'il sera recalé . Depuis, j'avais relu des romans écrits avant Adèle mais je n'y retrouvais pas ce que j'avais tant aimé, l'ambiance de bord de mer normand, l'écriture, l'humour aussi. Les vacances faisait bien sûr partie de mes toutes premières envies de rentrée et je n'ai pas été déçue. J'aime tout dans ce roman, le lien entre cette femme au bord de la retraite et ce jeune homme, tous deux un peu perdus dans leurs amours, l'humour de l'auteure qui joue sur les décalages entre notre quotidien et comment cela peut être perçu par un novice (la scène du Starbucks est représentative), les références aux romans de la Comtesse de Ségur qui font partie de mes premiers souvenirs de lecture (je ne faisais pas dans la modernité). Je me suis rendue compte que mon goût pour ces romans va pourtant à l'encontre de mon aversion pour la lecture de pièces de théâtre ( ô toi qui viens de m'offrir une pièce de théâtre en livre, retiens ton soupir, tu vois qu'il y a peut-être un espoir que je finisse par aimer le genre), puisqu'en effet, comme le fait remarquer Sophie, le choix narratif de la Comtesse s'approche du théâtre. Il faut aussi avouer que ce roman a sans doute été écrit pour moi parce qu'en plus de la Comtesse de Ségur, j'y ai reconnu des lieux que je connais très bien, la gare Saint Lazare et son piano (même si moi, je serais bien incapable de reconnaître le générique de Games of Throne) et quelle ne fut pas ma surprise de me retrouver au Neubourg, petite bourgade qui se trouve à dix kilomètres de chez moi et que je connais par cœur. Si moi j'ai adoré ce roman, j'en connais un autre qui doit être ravi d'être à l'honneur, le chanteur Alex Beaupain. Un roman rythmé par les chansons de Nostalgie, il y avait plus de quoi séduire la fille que moi à la base (oui, je sais, ma fille est un OVNI à sa manière) mais séduite, je fus. 
C'est sans doute ma conception du roman feel good, moi qui n'aime pas du tout ça d'habitude. Eimelle est aussi conquise. 

Publié chez POL août 2017- 358 pages.

Merci à Galéa pour ce cadeau d'anniversaire. Vous verrez qu'elle a été déçue. 
Je ne sais pas à qui le conseiller, je me demandais si ce n'est pas un livre écrit juste pour moi mais le jury de février en décidera peut-être autrement.  Saxaoul, si tu as une bouffée de nostalgie pour cette bourgade dans laquelle tes pas ont croisé ceux de mon fiston, c'est un roman pour toi. 

                                                   



dimanche 26 novembre 2017

Mes spectacles du mois: L'homme A (d'après Marguerite Duras) / L'une et l'autre: La Grande Sophie et Delphine de Vigan

En pleine découverte de Marguerite Duras, je ne pouvais pas rater  ce spectacle qui passait près de chez moi. C'est comme si une rencontre (réelle) m'avait menée vers une autre rencontre (littéraire) qui elle-même se déroulait à l'infini, avec des variétés de forme réjouissantes. Sandrine Bonnaire, accompagnée en musique par Erik Truffaz et Marcello Giulani nous lit des extraits de deux textes de Duras: L'homme Atlantique et L'homme assis dans le couloir. Le premier texte n'est pas inoubliable mais il met en scène le regard extérieur, celui de la cinéaste. Le second, par contre, marque très longtemps. Extrait d'un texte de 36 pages publié aux Editions de Minuit, il raconte le désir entre un homme et une femme. Un désir somme toute ordinaire, si tant est que le désir puisse l'être, jusqu'à ce que... De ce texte, j'ai lu que Marguerite Duras disait qu'elle n'aurait pu l'écrire sans l'avoir vécu. De quoi découvrir un autre aspect de sa personnalité.
Sandrine Bonnaire lit magnifiquement bien, tout en dégageant, avec la douceur de sa voix, cette sensualité nécessaire à la lecture du texte. Chapeau parce que ce ne doit pas être une lecture facile. L'intensité du texte est renforcée par les instruments, je ne suis pas sûre que j'aurais ressenti les mêmes émotions en lisant ce texte. 

En tournée depuis plusieurs mois dans toute la France. C'est au théâtre L'Arsenal de Val de Reuil que j'ai assisté à cette lecture musicale, un théâtre qui accueille cette année une très belle programmation. 



Ça devait être une création unique pour un festival littéraire de Nevers en 2014, ça a fini en tournée dans toute la France, pour notre plus grand plaisir. Quand on écoute les extraits des romans de Delphine de Vigan et les chanson de La Grande Sophie choisies, on se dit que ces deux-là ne pouvaient que se rencontrer. Les thèmes se rejoignent, autant que le physique des deux femmes s'oppose. Elles se sentent bien ensemble sur scène et ça se sent, nous racontant le parcours d'une jeune femme, l'une lisant parfois les textes de l'autre et l'autre chantant un morceau avec l'une. Je ne suis fan ni de l'une, ni de l'autre (même si j'ai aimé D'après une histoire vraie) mais les écouter ensemble et les voir jouer, car il y a aussi un jeu réel, fut un vrai plaisir. Et nous avons eu la chance, à Louviers, de payer dix euros pour ce spectacle alors que prix est parfois plus du double, signe sans doute que la mairie a mis la main au portefeuille et qu'on fait encore venir la culture dans les zones où on pourrait la délaisser.

Toujours en tournée dans toute la France. Vu au Moulin de Louviers, dans une salle comble.

Merci à mes compagnes de plaisir culturel partagé, Florence, présente les deux fois, et à Celle qui fut à l'origine de mon envie de voir le premier spectacle et mon accompagnatrice du second. Et merci à B. et P. d'avoir été à proximité à chaque fois. 

                                       



mercredi 22 novembre 2017

Balzac et la petite tailleuse chinoise de Freddy Nadolny Poustochkine

Ma et Luo sont des adolescents pendant la Révolution culturelle chinoise. Ils sont envoyés dans la campagne pour les guérir de leur "maladie": ils sont considérés comme des intellectuels. Ils y rencontrent la fille du tailleur, elle-même couturière. Après le vol d'un lot de romans européens découvert par hasard, chacun va vivre à sa manière son amour avec la jeune femme, l'un en lui racontant les histoires des romans et en laissant ses sens se libérer, l'autre en s'imaginant une histoire à partir de ses lectures. 

J'ai eu le roman de Dai Sije entre les mains quand l'une de mes classes l'a étudié en cours. Je me souviens l'avoir emprunté à un(e) élève mais je n'ai pas dépassé quelques pages. Lire cette BD m'a donné envie de m'y remettre, parce que j'ai l'impression que tout n'a pas été totalement limpide pour moi dans l'intrigue, ce qui ne m'a pas empêché d'être conquise. J'ai adoré les dessins et l'histoire de ce trio ne m'a pas laissé indifférente. Une BD qui tombe en plus à un moment où mon aiguille ne cesse de travailler (j'ai comme l'impression que ce n'est pas un hasard, ce cadeau m'ayant été offert par l'une des bénéficiaires de mes petits travaux d'octobre), toutes les conditions étaient réunies pour que j'aime. 

Noukette a aimé. 

Merci à  Nathalie pour ce cadeau.
A conseiller aux amoureux de dessins de corps nus (il y en a beaucoup dans cette BD). 

Publié en octobre 2017 aux éditions Futuropolis .
320 p

lundi 20 novembre 2017

Le ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras


... leur plus grande douleur et leur plus grande joie confondues jusque dans leur définition devenue unique mais innommable faute d'un mot. J'aime à croire, comme je l'aime, que si Lol est dans la vie, c'est qu'elle a cru, l'espace d'un éclair, que ce mot pouvait exister. Faute de son existence, elle se tait. C'aurait été un mot-absence, un mot-trou, creusé en son centre d'un trou, de ce trou où tous les autres mots auraient été enterrés. 

Je pourrais arrêter ce billet sur cette citation, tout est dit dans ce mot tu, toute la beauté de la plume de Duras tient dans cette phrase, l'importance de ce mot-trou, de ce mot qui n'existe pas, la force de ce qui existe mais qu'on ne peut nommer, faute du mot juste. Le choix alors de se taire pour ne pas dénaturer, faute du mot approprié.

Lol Valérie Stein se rend au bal du casino de T. Beach. Elle doit y passer la soirée avec son amie Tatiana et celui dont elle est amoureuse, Michael Richardson. Seulement, tout ne se passe pas tout à fait comme prévu ce soir-là puisque Lol va assister au coup de foudre entre Michael et une autre femme. Dix ans plus tard, Lol vit à S. Tahla, est mariée et mère de deux enfants. Elle semble passer son temps à errer dans les rues. Le hasard va la remettre sur la route de Tatiana, par l'entremise d'un homme qui s'avérera être notre narrateur. 

Ce fut ma première découverte à son propos: ne rien savoir de Lol était la connaître déjà. On pouvait, me parût-il, en savoir moins encore, de moins en moins sur Lol V. Stein. 

Comment expliquer que jamais, avant ce mois d'octobre, personne ne m'ait mis un Duras entre les mains? Je n'en ai aucune idée. Je sais par contre que le souvenir que j'ai de Duras vivante, celle que je voyais à la télévision, ne m'a pas donné envie de la lire. Il m'aura donc fallu attendre le mois dernier pour qu'on me transmette cette auteure. Vous vous souvenez peut-être de mon billet sur la transmission, j'aurais peut-être aussi dû insister sur la beauté du geste pour la lectrice qui le reçoit. Lire ce roman (annoté par les soins de ma passeuse de pépite) fut un ravissement, pas pour Lol mais pour moi. J'ai eu l'impression d'assister à une chorégraphie, à une métaphore répétée de cette scène du bal, mais aussi de l'art qui met en scène une version de la réalité. Le style, la construction et la plume m'ont envoûtée. Ce n'est pas l'intrigue du roman qui importe; d'ailleurs, si vous n'aimez que les romans à intrigue, passez votre chemin. Il faut accepter ici de se laisser emporter par la plume de Duras, de déambuler avec Lol dans les rues de S. Tahla (qui ressemblent sans doute à celles de Trouville que Duras a bien connu mais qui a eu pour moi les contours d'une autre station balnéaire normande) et dans les errements de son esprit. J'ai ressenti une émotion rare à la lecture de ce roman, comme lorsque lorsqu'on part en promenade sans attente particulière et qu'on fait une rencontre. Entre Lol V. Stein et moi, entre Duras et moi, ce fut une rencontre forte. Je n'ai aucun doute que les deux m'accompagneront encore longtemps. J'ai aimé aussi comment Duras traite le thème de la passion, en faisant un mythe non plus pour celle qui a éprouvé la passion mais pour les témoins :
Que cachait cette revenante tranquille d'un amour si grand, si fort, disait-on, qu'elle en avait perdu la raison? 
Lol est la chorégraphe, le metteur en scène de ce roman, tout en en étant la spectatrice. Elle donne le ton, indique sans avoir à ouvrir la bouche les espaces scéniques à utiliser et le narrateur se soumet à cette volonté en recréant les contours de sa relation avec Tatiana. Je pourrais vous citer une multitude de phrases qui ont trouvé écho en moi, notamment celle-ci qui résume, pour moi, à la fois l'art et la réalité et qui m'a rappelé toute ce que pense Antoine Bello sur la réalité qui cesse de l'être à partir du moment où elle est verbalisée puisque le choix d'un mot indique déjà un point de vue: 
Ce qui s'est passé dans cette chambre entre Tatiana et vous je n'ai pas les moyens de le connaître. Jamais je ne saurai. Lorsque vous me racontez, il s'agit d'autre chose. 

Publié en 1964. 190 pages en Folio (avec une couverture qui ne peut que me plaire). 

Merci à Celle qui m'a transmis ce roman et plus qu'un roman, un auteur. Merci pour les discussions qui suivirent et pour m'avoir signalé la double signification du titre. 
A conseiller à tous ceux qui n'ont pas encore lu Duras, même si je pense que ce roman est très féminin. 

                                                             








dimanche 19 novembre 2017

Mes films du mois: Au revoir là-haut d'Albert Dupontel/ Carré 35 d'Eric Caravana

ma déception: Albert Maillard et Edouard Péricourt sont devenus amis dans les tranchées. Nous sommes le 9 novembre 1918, tout est calme sur le front mais le lieutenant Pradelle, qui vient de recevoir une missive lui annonçant la fin immédiate des hostilités, a soif d'une dernière salve de brutalité. Il envoie un jeune homme effrayé et le plus vieux soldat en éclaireur. Le combat reprend donc entre les allemands et les français. 
J'avais très envie de voir ce film et de faire découvrir cette histoire à ma fille. Elle a finalement été plus enthousiaste que moi puisqu'elle a tout aimé. J'ai adoré l'esthétisme du film, les décors et les masques sont superbes et leur évolution, qui marque l'évolution du personnage d'Edouard est intéressante. J'aurais sans aucun doute beaucoup aimé l'histoire aussi si je ne l'avais pas lue, parce que cette double arnaque d'après-guerre est une belle trouvaille. Mais tout cela, je le connaissais déjà. Si certains changements par rapport au roman m'ont semblé cohérents, comme par exemple la possibilité de donner une voix narrative à Maillard en faisant d'un interrogatoire le fil conducteur de l'histoire, j'ai trouvé trop mélo cette rencontre qui n'a pas lieu dans le roman. Et puis, tout de même, la source de l'incompréhension entre le père et le fils est totalement évacuée, ce qui me semble dénaturer le roman. Je le conseille tout de même pour son esthétisme donc et parce que les acteurs sont tous très bons. Décidément, Nahuel Perez Biscayart est l'une des révélations de cette année: être expressif sans utiliser de mots et en ne s'aidant que d'une partie du visage, voire parfois uniquement du regard, me semble être une prouesse. 

L'avis de Dasola

Sortie le 25 octobre 2017-  1h57


mon documentaire: je vais très rarement au cinéma voir des documentaires, moins d'une fois par an en moyenne. Quand une amie m'a parlé de Carré 35 alors que nous évoquions le poids des secrets de famille, j'ai eu envie d'aller le voir avec elle. Eric Caravana est acteur (je ne le savais pas, c'est en voyant sa tête apparaître à l'écran que je l'ai reconnu) et réalisateur. En posant des questions à ses parents sur sa sœur décédée avant se naissance à lui mais dont on ne parlait pas, il va "redonner vie" à cet enfant dont la mère a brûlé toutes les photos. 
[attention spoilers] Ce documentaire avance crescendo et se charge de force émotionnelle à mesure qu'il avance. Pour autant, il n'y a pas de pathos mais de la gêne, parfois, à être témoin de la manière dont Eric Caravana "cuisine" ses parents, sa mère surtout. On sent ce que ce qu'il fait resurgir, que les parents ont pris soin d'enfouir profondément, est douloureux mais évidemment, sans doute nécessaire pour eux aussi. Si le déni de la mère ne m'a pas étonnée, le souvenir du père, qui ne correspond pas totalement à la réalité, est surprenant. C'est aussi un voyage vers la terre natale d'origine, décidément au centre de cet automne. Ce n'est sans doute pas un film indispensable (surtout si vous payez votre place 10 euros, ce qui ne fut pas mon cas) mais c'est un joli film ponctué de moments forts. 
Sortie en salle: le 1er novembre 2017- 1h07


                                      

Merci à mes compagnes de cinéma du mois: ma fille et Florence. 



jeudi 16 novembre 2017

Les chiens de Détroit de Jérôme Loubry

A Détroit, en 2013, un groupe de policiers dirigé par Sarah Berkhamp lance l'assaut d'une maison. A l'intérieur, un homme attend son arrestation. Aucune violence n'est nécessaire pour la mener à bien et pourtant, quelques heures plus tard, le suspect est roué de coups par l'un des inspecteurs. Pour en comprendre la raison, il faut remonter quelques années en arrière, quand le-dit inspecteur, Stan, était sur les traces d'un kidnappeur et tueur d'enfants surnommé Le géant des brumes. 
Ce qui m'a donné envie de découvrir ce polar, c'est Détroit. C'est une ville qui me fascine, sans doute un peu grâce à Eminem mais aussi parce que peu de villes ont comme elle été des symboles de réussite pour  devenir l'antonyme du rêve américain et pour finir par rebondir à nouveau. Difficile de savoir ce que cette ville deviendra dans quelques années. J'avais donc envie de me plonger dans les bas-fonds de cette ville et il y avait matière à m'enthousiasmer. Malheureusement, ce ne fut pas le cas. Je me suis vite ennuyée, il faut dire que le thème des kidnappings d'enfants me plait rarement parce que j'ai souvent l'impression de relire la même chose, à de rares exceptions près. Les enquêteurs et leurs fantômes bien cachés dans les placards finissent aussi par me lasser, je crois. J'attends donc un vrai beau roman/ polar mettant en scène cette ville qui le mérite amplement et qui méritait davantage que cette page 34 qui semble résumer à la va-vite son histoire. J'en ai aussi ras le bol de ces polars plein de testostérone dans lesquels les hommes se font justice eux-mêmes. J'ai été très étonnée par une phrase. Lors d'une relation sexuelle, une femme dit: "Je viens aussi". Si ce roman avait été écrit par un américain, j'aurais râlé contre cette grosse erreur de traduction ("come" a un sens sexuel qu'on apprend très vite quand on est assistante en Angleterre, il suffit de dire une fois "I'm coming" à une classe pour comprendre, aux sourires sur les visages des garçons, qu'on va désormais éviter cette phrase en cours) mais l'auteur est français et manifestement, la phrase ne peut se comprendre dans le sens propre du verbe venir. Quant à la plume, je vous laisse juge:
Sa chevelure rousse ondoya comme les flammes d'un brasier incertain. 

Publié en octobre 2017 chez Calmann Lévy. 303 pages. 

A conseiller à tout le monde sauf à moi si j'en crois les avis sur Babelio. 
Merci à l'opération Masse Critique de Babelio




mardi 14 novembre 2017

Summer de Monica Sabolo

La fatigue, c'est comme ça que l'on qualifie à peu près tout, dans notre famille, tout ce qui implique le chagrin ou la honte. 

Cela aurait été briser le pacte qui nous tient entre nous- toutes les choses dont on ne parle pas n'existent pas. 

Benjamin est un adulte en souffrance. Vingt-cinq ans auparavant, sa sœur Summer a disparu sans laisser aucune trace. Passé entre les mains de plusieurs thérapeutes, il n'a jamais avancé et une partie de ses souvenirs semblent totalement effacés. Quand il commence à échanger avec le docteur Traub (c'est le seul personnage dont je me rappelle le nom sans avoir à regarder le roman, à part Summer évidemment, c'est dire si ce personnage est pour moi un élément central du roman alors qu'il apparaît finalement peu), des rêves l'assaillent et le submergent. 
Ce roman traite à mon avis de nombreux sujets, de la manière dont on vit avec des secrets de famille, ceux qu'on subit, ceux qu'on nous fait porter alors qu'on n'a pas les épaules qu'il faut pour les porter. C'est aussi un roman sur les effets bénéfiques de la psycho-thérapie, à tel point d'ailleurs que je suis allée vérifier si Monica Sabolo n'était pas psy- quelque chose à la base, mais il semble que non et pourtant, les séances sont très en marge, il ne faut surtout pas que ça rebute les réfractaires aux thérapies. Ça  démarre assez lentement, puis le rythme s'accélère et alors, on ne peut plus le lâcher. Monica Sabolo parvient à parsemer son roman de rebondissements assez spectaculaires sans qu'on ne se dise que ça ne tient pas la route. Et puis, c'est très joliment écrit, j'ai eu envie de noter de nombreuses phrases. On pourrait sans doute reprocher le côté un peu cliché de cette famille suisse bourgeoise, mais on ne peut en tout cas pas lui reprocher d'avoir inventé des personnages lisses, le père et la mère n'étant pas des représentations de la tendresse parentale. L'une des prouesses de l'auteure, me semble-t'il est de ne pas avoir choisi entre le thriller et le roman poétique, ce qui explique sans doute sa présence dans la seconde sélection du prix Goncourt. Il reste, en refermant ce roman, des images puissantes, comme ce châle, symbole de la relation lien mère-fille. 

Lu dans le cadre du Prix Elle des lycéennes auquel participent quatre de mes élèves de 1ère L. 

Merci au jury d'octobre du prix Elle adulte qui l'a sélectionné. Merci à mon amie Nathalie qu'il l'a lu en même temps que moi.
A conseiller aux amateurs de familles disruptives (fictionnelles bien sûr). 

Ed. JC Lattès, 316 p., 19 € (publié le 23 août).

dimanche 12 novembre 2017

Festival This is England/ exposition des caricatures de Steve Bell

Demain, mes élèves iront découvrir la sélection des courts-métrages choisis pour les lycéens dans le cadre du festival This is England qui a lieu toute la semaine au cinéma rouennais de l'Omnia. Ces sept titres de durées variables (entre 3 et 15 minutes), de formes variables aussi vont leur faire découvrir des accents de tous horizons; heureusement, eux, contrairement à mes collègues et moi lorsque nous avons découvert ces courts-métrages le mois dernier, auront les sous-titres. J'ai, au préalable, choisi de les faire travailler sur le principe d'un "cautionary tale" (comme dans Le Petit Chaperon Rouge, le personnage est averti, transgresse l'interdit et est puni) et sur le rôle des femmes pendant la première guerre mondiale, puisque deux courts-métrages sont liés à ces thèmes. Nous devrions rencontrer l'un des réalisateurs (mais oseront-ils poser l'une des questions que nous avons travaillées ensemble, alors que la salle sera comble? J'en doute fort). 
De retour en classe, ma classe votera pour son court-métrage préféré et j'ai hâte de voir si leur choix rejoindra le mien. Le grand public peut voir les courts-métrages destinés aux adultes tous les soirs de la semaine à 20h. 
L'après-midi, nous irons voir l'exposition consacrée au caricaturiste du Guardian, Steve Bell, qui est par ailleurs un homme charmant. Coup de chance pour moi, Steve Bell a détourné des tableaux célèbres dans ses caricatures et nous avions étudié certains de ces tableaux dans mon premier thème consacré à "Poems and paintings". Vous pouvez voir cette expo jusqu'à la fin de la semaine.
Voilà un beau lundi qui s'annonce! Il nous faut juste du soleil pour le pique-nique. 



Merci à mon collègue Christophe Thierry qui s'occupe de ce festival.
A conseiller aux amateurs de format court. 


jeudi 9 novembre 2017

Nuit de Bernard Minier

Kirsten arrive sur une plateforme pétrolière basée en mer du Nord. Une technicienne y a été assassinée et un homme a disparu, le coupable présumé, Julian Hirtmann, un homme recherché par la police depuis des années. Elle se rend à Toulouse après avoir retrouvé, dans la cabine d'Hirtmann, des photos du policier Martin Cervaz. Cervaz er Hirtmann ont une longue histoire commune puisque ce dernier est à l'origine de la disparition de Marianne, la compagne de Cervaz, qui ne fut jamais retrouvée. 

Je n'avais jamais lu ou écouté Bernard Minier, pour une raison sans doute idiote, je ne lis pas de romans XO, ou alors pas depuis longtemps. Mais une amie aime beaucoup ses romans et je me suis dit qu'il était temps de passer outre mes préjugés. C'est typiquement le genre de polars que je préfère écouter plutôt que lire parce que c'est un polar d'action et non véritablement d'ambiance. On n'y apprend rien de particulier, ni d'un point de vue sociologique, ni d'un pays lointain, si ce n'est des informations concernant la maladie rare de l'enfant qui est au centre du l'histoire. J'ai plutôt passé un bon moment même si je ne suis pas sûre d'avoir envie d'écouter à nouveau l'auteur (et pas du tout de le lire). Je n'ai pas du tout aimé la fin mais je vais éviter de faire comme ces lecteurs qui me faisaient sourire en rencontre parce qu'ils auraient bien fait réécrire la fin par l'auteur qu'ils étaient venus écouter.

Lu par Hugues Martel- Paru le 13 septembre 2017- 15 h50 d'écoute. 

Merci à Audiolib

mardi 7 novembre 2017

Un loup pour l'homme de Brigitte Giraud

Antoine aurait préféré que Lila ne reste pas sur le quai de la gare. Il l'a dit mais elle n'a pas voulu entendre. Il est debout derrière la vitre, entouré d'autres gars, et il la voit qui reste figée. Il voudrait qu'elle s'en aille, qu'il n'ait pas sous les yeux le regard qui appelle. C'est violent d'aimer dans ces moments-là. 

Antoine est appelé sous les drapeaux en 1960. Mais le drapeau  français flotte alors sur des terres lointaines et le voilà en Algérie, juste après que sa femme ait découvert sa grossesse, elle qui ne souhaite pas du tout être enceinte alors que son mari ne peut être auprès d'elle. Antoine ne va pas au combat puisqu'il est infirmier mais il va prendre de plein fouet les conséquences des combats et s'attacher à Oscar, amputé et mutique.

De l'auteure, j'avais aimé Une année étrangère et je l'avais vue au festival Terres de Paroles dans une lecture musicale avec Albin de la Simone qui m'avait beaucoup plu. Je n'ai pas ressenti le même enthousiasme ici. La relation entre les deux hommes est touchante mais cela ne m'a pas suffi; j'ai trouvé le roman un peu trop "léger", manquant d'aspérité aussi peut-être et j'ai fini par m'ennuyer. Reste cette phrase que comprendront ceux qui ont eu, dans leur famille, un ancien de la guerre d'Algérie :

Il y a ceux qui auront fait l'Algérie, et les autres. 

Publié le 23 août 2017 chez Flammarion. 245 pages.

Lu en marge du prix Femina des lycéens. Merci aux élèves de 1ère L. 
A conseiller à ceux qui aiment les amitiés masculines pas trop viriles. 

dimanche 5 novembre 2017

Ma chanson du mois: Brigitte - Palladium



La première fois que j'ai entendu cette chanson, c'est une belle Montpelliéraine qui l'avait partagée sur sa page Facebook, du temps où je fréquentais encore cet espace et je me suis dit que ça semblait être une chanson bien triste pour un dimanche matin. J'ai écouté quelques secondes, j'ai éteint et je n'y ai plus repensé. Sur le blog d'Antigone, j'ai appris que sous ce pseudo se cachaient non pas une mais deux personnes; je n'ai pas eu envie de réécouter la chanson. 
Et puis, je ne sais plus sur quel support cette chanson m'est revenue aux oreilles et là, je tombe sous le charme. Loin d'être une chanson triste pour moi, c'est une superbe chanson sur l'amitié inconditionnelle. 

Merci à celle à qui j'ai envoyé un message après avoir acheté cette chanson, en lui disant: "J'adore cette chanson, elle me fait penser à toi". 

jeudi 2 novembre 2017

L'ordre du jour d'Eric Vuillard

Février 1933: vingt-quatre industriels allemands se retrouvent autour d'Hitler. Ce sont les fondateurs d'empires qui nous sont familiers: Opel, Siemes ou BASF et ce jour-là, ils vont mettre la main à la poche pour financer le nazisme. Sans cet argent, sans doute, rien n'eût été possible pour Hitler. Eric Vuillard va ainsi décortiquer plusieurs scènes de 1933 à 1938, tentant de prouver que la somme de l'immobilité des uns et des autres a mené au désastre que l'on connait. 

J'avoue qu'il est très difficile pour moi de comprendre les commentaires très enthousiastes que j'ai lus sur ce livre. Je me doute qu'il doit avoir de nombreuses qualités mais je pense que c'est tout le contraire de ce que j'aime en littérature. D'abord parce que je ne parviens pas à comprendre où se situe l'aspect littéraire du texte. J'ai l'impression que l'auteur nous énonce froidement des faits, qu'il fouille, certes, comme un excellent journaliste le ferait, avec une morale sous-jacente qui est que chacun est responsable de l'Histoire et que l'immobilisme face au Mal est coupable, c'est en tout cas la morale que j'ai perçue. J'ai parfois, même si très rarement, été intéressée par le sujet, comme par l'anecdote sur la photo recadrée de Schuschnigg qui change totalement la vision de celui qui y figure et par cette référence aux "suicidés" autrichiens des quelques jours précédents l'Anschluss, mais je n'ai jamais été emportée par le style, sans doute trop froid pour moi.
Je ne pense pas relire cet auteur. Pourtant, ça commençait bien avec cette belle phrase:
La littérature permet tout, dit-on. Je pourrais donc les faire tourner à l'infini dans l'escalier de Penrose, jamais ils ne pourraient plus descendre ni monter, ils feraient toujours en même temps l'un et l'autre. Et en réalité, c'est un peu l'effet que nous font les livres. Le temps des mots, compact ou liquide, impénétrable ou touffu, dense, étiré, granuleux, pétrifie les mouvements, méduse...

Publié en avril 2017- 160 pages. Dans le carré final du Prix Goncourt. 
Merci aux élèves du lycée qui participent au Prix Femina des lycéens.  
A conseiller aux amateurs de livres historiques, peut-être. 

Moi par (six) mois

En juillet, je publiais ici le résumé des six premiers mois de mon année. Il fallait bien une suite, la voici donc. Une suite, mais aussi ...