Pour sa part, elle se sentait moins petite amie que laborantine. Le Dr Watson. Igor. Ou le chien de Pavlov.
Ce que j'aime en littérature, c'est d'enchaîner des lectures qui ne se ressemblent en rien. Passer de Jane Austen à Chuck Palahniuk, c'est quitter la bonne vieille Angleterre rassurante (et pourtant mysogyne) pour se retrouver dans un territoire inconnu, dont on peine à reconnaître les paysages. Et ça commence d'entrée avec une scène étonnante : Penny Harrigan est au tribunal et se fait agresser sans que personne ne semble désireux d'intervenir. Le narrateur revient sur le fabuleux destin de Penny qui travaille dans un cabinet d'avocat mais a échoué trois fois à l'examen du barreau. Elle se contente donc très souvent de servir le café ou de chercher des chaises pour les réunions. C'est sa tâche d'ailleurs, ce jour-là et un concours de circonstances la fait échouer les fesses en l'air devant l'un des hommes les plus riches de la planète. Son destin se met en branle...

Si vous ne connaissez pas Chuck Palahniuk, vous pouvez imaginer qu'il s'agit d'un mummy porn. Si vous le connaissez, vous vous doutez sans doute que c'est une caricature du genre, et une caricature aux trois quarts réussie. Les trois quarts du roman sont jubilatoires, j'ai souvent pouffé de rire, et rien n'est érotique là-dedans. Maxwell, le riche de l'histoire ne pense qu'à faire monter les femmes aux septième ciel mais ses intentions sont purement commerciales et on s'approche plus du gothique et de Barbe-Bleue que de Cinquante nuances de Grey. L'acte sexuel est désérotisé, il devient purement clinique et scientifique. L'auteur dresse le tableau apocalyptique d'une société dans laquelle les femmes ne sortent plus puisqu'elles sont mieux chez elles à satisfaire seules leurs désirs sexuels. C'est une histoire de zombies assoiffées de gadgets sexuels. Certaines phrases prises au premier degré peuvent donner l'impression d'une misogynie insupportable mais pris à d'autres degrés, c'est très drôle et parfois empreint d'une certaine vérité:
tout homme séduit une belle femme en cajolant le gros chien puant qui l'accompagne.
Penny est un personnage intéressant. Extrêmement naïve au début, elle croit que les agents qui la suivent et la sauvent parfois de mauvais pas font la même chose pour tous les américains :
En tant qu'agents de la Sécurité intérieure, il protégeaient tous les Américains. Tout le temps.
Et ce qui fait la force de ce roman, c'est que l'auteur nous donne des pistes, puis passe à autre chose et nous les oublions. Elle évoluera après avoir rencontré le milliardaire qui en gage de déclaration, lui fait tout de même l'une des plus originales jamais lues:
Tu as un vagin de compétition. Tes grandes lèvres sont parfaitement symétriques. Ton raphné est sublime.
Si ce roman est un long conte sarcastique, il dénonce aussi les méfaits le consumérisme qui fait acheter les mêmes articles à tous, ici des gadgets sexuels, des romans de vampire et des chaussures hideuses. Pour moi, ce roman est un presque coup de coeur jusqu'à la rencontre avec Baba Barbe-Grise, la prêtresse multi-centenaire de l'amour. Le reste est en trop, à mon avis.
A déconseiller dans la salle d'attente du médecin. J'ai tenté, j'ai mal assumé la couverture.
Merci à celle qui m'a fait découvrir cet auteur.
Nombre de pages : 359 • Prix public papier : 19 € • Prix public numérique : 15,99 € • Mise en vente : mars 2016