mardi 23 février 2016

Les âmes et les enfants d'abord d'Isabelle Desesquelles

J'arpente Venise l'insondable, ses infinis où revenir. Venise ressemble à ces voeux que l'on fait depuis l'enfance. A un moment, qu'importe le voeu, seul compte de vouloir encore le faire, ne pas oublier ce qu'on a voulu le plus. 


C'est à Venise que commence ce récit car c'est là que la narratrice croise une déshéritée qui la hantera et qui s'incarnera dans chaque déshérité qu'elle croisera dans les années à venir. Dans ces adolescentes qui font les poches des touristes allemands, dans cet homme posté chaque matin devant la boulangerie, à la fois si familier et si différent de nous. Parce que cette narratrice, bien sûr, c'est moi et très probablement, vous. 
J'ai ouvert ce livre et j'y ai trouvé un écho aux réflexions qui avaient suivi ma lecture d'Evangile pour un gueux. Nous sommes tous confrontés à la pauvreté ; nous lisons tous des livres, regardons des films qui dénoncent l'indifférence face à cette pauvreté. Nous nous indignons et vient le moment où l'introspection est nécessaire. Mais que fais-je, moi, pour changer ça? Et si on est honnête, très souvent, la réponse est rien. Bien sûr, on donne parfois quelques pièces pour faire face à des regards implorants, on fait l'effort de regarder, de se rappeler qu'on a affaire à une personne, et puis surtout, on inculque à nos enfants qu'ils sont comme nous, ces pauvres gens. Ils n'ont pas eu de chance dans la vie, ils sont nés au mauvais endroit sans doute. Et ça, c'est notre fierté, on ne change pas le quotidien de ces gens mais on inculque la tolérance à nos enfants. Bon, parfois, on se dit que quand-même, on aimerait bien que ceux qu'on aide fasse bon usage de notre argent : qu'il s'achète du  salé et non du sucré parce que quand-même, le but, c'est de survivre, pas de se faire plaisir! Et puis, entre le touriste allemand et la roumaine qui lui fait les poches, notre choix est vite fait tout de même! 

Ce constat est le mien, le vôtre sans doute et celui de la narratrice. On fait du mieux qu'on peut, finalement ce mieux est moins qu'une goutte d'eau dans un océan. On apprend à vivre avec ce rien qui pèse lourd sur la conscience. Je suis loin d'être la première à parler de ce texte avec enthousiasme, Yv, Mirontaine, Martine et Miscellanées l'ont fait avant moi. Isabelle Desesquelles écrit ce que nous pensons si nous décidons d'être honnête mais elle écrit comme nous serions incapable de le faire. Ce récit  n'est pas un jugement, c'est un constat. Mais ça fait mal. 

Publié chez Belfond en Janvier 2016- 10 € - 96 p.


21 commentaires:

  1. Tu enchaînes les bonnes pioches, ça fait plaisir. Et forcément, une fois de plus, tu me tentes.

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    1. Il faut dire que les mauvaises pioches, je n'ai pas envie d'en parler en ce moment. Mais c'est vrai que ces derniers temps, je suis chanceuse dans mes lectures.

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  2. Vu chez Yv en effet et feuilleté en librairie. Je le lirai sûrement.

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  3. C'est une de mes prochaines lectures, il est sur ma table de chevet.

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  4. Je l'avais repéré chez Mirontaine et noté depuis, je le lirais sans doute, en tout cas tu sais nous tenter.

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  5. C'est la première fois que j'en entends parler, si j'avais été à la librairie, la couverture que je trouve très jolie et le titre m'auraient interpellée. Une chose qui est certaine c'est que nous sommes tous susceptibles de tomber dans la pauvreté. Les accidents de la vie sont tous imprévisibles (heureusement qu'on ne pense pas à ça tous les matins en se réveillant, mais ça fait peur)

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  6. Je l'ai feuilleté hier en librairie...je ne sais quoi en penser et même après avoir lu ta chronique...

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  7. Oui, très bon livre qui pose des questions sur nos pratiques. Un livre qui peut mettre mal à l'aise, tant mieux !

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    1. Tout à fait, je préfère qu'un livre me fasse cet effet que pas d'effet du tout.

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  8. Une approche qui semble originale pour ce sujet de plus en plus ordinaire, hélas : je retiens le nom d'Isabelle Desesquelles.

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    1. Tu as raison de souligner l'approche originale autour d'un thème maintes fois abordé.

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  9. Je l'ai commandé pour la bibliothèque, et j'ai très envie de le lire, même si mon côté hypersensible appréhende un peu ... et je trouve la couverture et le titre magnifiques ...

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    1. Pas de pathos dans ce livre. Il te fera réfléchir mais épargnera ta sensibilité.

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  10. Je suis contente, je suis partie avec ce texte en weekend ! Je vais donc le lire dès cet après-midi. Bon weekend Valérie.

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