...peut-être même que depuis tout à l'heure, il lui sourit vraiment, comme un fils peut sourire à sa mère, avec pudeur et amour, avec une forme de tendresse et de complicité qui se passe de mots parce qu'elle les contient tous, dans le secret d'un sentiment qui les dépasse.
Sibylle a enfin réussi à quitter le père de son enfant, Benoît, qui multipliait les infidélités et vit désormais seule avec son fils prénommé Samuel en hommage en Samuel Beckett. Quand la gendarmerie l'appelle pour qu'elle vienne chercher son fils qui a passé la nuit en cellule, elle est effondrée. Alors que le père suggère de le mettre en pension, Sybille choisit un tout autre chemin pour les sortir du marasme dans lesquel ils s'enfoncent: elle prépare un voyage à cheval pour eux deux au Kirghizistan, ce qui provoque les sarcasmes de Benoît.
Il est rare que je publie un billet le jour où je finis la lecture d'un roman mais je ne pouvais pas attendre avant de la partager avec vous. J'ai dévoré la première moitié en un voyage en train et heureusement, mon court voyage s'est arrêté, m'obligeant à faire un pause et à retarder le moment où je quitterai ce roman. Je ne le savais pas encore mais ce roman ne me quittera pas avant bien longtemps car si j'ai beaucoup aimé la première moitié, c'est la seconde qui m'a emportée. En le lisant, je me suis dit qu'il n'y en avait pas tant que ça des auteurs dont l'écriture me transporte à ce point à chaque fois et je les chéris d'autant plus, ces auteurs dont la seule plume me bouleverse. Il se trouve que pour la première fois, Laurent Mauvignier m'a aussi tiré des larmes dans ce roman et étrangement, pas par rapport à la relation mère-fils, ni par rapport au passé douloureux de Sybille (encore que, je crois que les larmes étaient tout près à ce moment-là) mais c'est à travers les yeux du père, qui en prend plein la figure mais que l'auteur réhabilite grâce à ce magnifique passage où il découvre un papillon alors qu'il a vu partir une chenille. En plus du sujet- cette relation mère-fils qui me semble différente de la relation mère-fille, construite en partie sur les étapes partagées dans le fait de devenir femme et sur la complicité qui en découle- et de l'écriture, il y a le dépaysement. Ce roman aurait aussi pu s'appeler Réparer les vivants. Mais l'infinitif du verbe continuer lui convient aussi très bien. J'ai tellement envie de vous dire de vous lancer dans l'aventure, de découvrir ce regard de parents portés sur leur fils aimé mais qui leur échappe, ce qui est le propre de la relation parent/ adolescent. C'est lorsque l'adolescent devient capable d'accepter ses parents sans les juger qu'il devient un peu adulte. C'est un très beau roman d'amours au pluriel, lumineux même s'il est parsemé de nuances de gris ou de noir, qui évoque les liens dont il faut savoir se défaire (il y a un magnifique passage sur ceux qu'on laisse hanter nos nuits alors qu'il nous faut continuer à vivre, qui peut d'ailleurs s'appliquer à la fin de toute relation amoureuse). Continuer sans nous forcer à porter des fardeaux mais continuer en se battant pour ceux qui sont essentiels et transmettre ce qui vaut la peine de l'être. Après avoir lu le billet de Sylire (qui en fait aussi un coup de coeur), je me suis beaucoup interrogée sur le sens du mot bien-pensant, allant jusqu'à en relire la définition parce que ce n'est pas du tout le mot qui me venait à l'esprit en refermant ce roman et que ce mot a tendance à me faire fuir. Mais oui, Sylire a raison, il l'est, notamment dans son traitement du racisme. Mais tout bien-pensant qu'il est, il le fait en analysant et en utilisant des phrases qui m'ont fait oublier qu'il l'était. Entre les lignes l'a aussi beaucoup aimé, comme Alex et Clara. Il semble que ma moyenne soit désormais d'un coup de coeur tous les six mois.
Publié aux Editions de Minuit en septembre 2016. 240 pages. Toujours en lice pour le prix Renaudot et Femina alors que le Prix Goncourt a eu le mauvais goût de le retirer de la deuxième sélection.
Merci à Sylire et aux matchs de la rentrée de Price Minister (c'est sur Instagram que vous retrouverez ma participation quand j'aurai retrouvé mon mot de passe) et à Laurent Mauvignier.
A conseiller à tous les amoureux de la littérature française, la grande.
Les billets se suivent et ne se ressemblent pas : autant le lire, ce bouquin, alors!
RépondreSupprimerExactement!
SupprimerJ'ai lu quelques réserves ici ou là mais aussi de véritables coups de cœur pour ce roman. Je n'ai jamais lu l'auteur. Il faudrait que je franchisse le pas avec ce titre.
RépondreSupprimerJe pense que c'est le bon titre pour commencer. Après, il faut découvrir les autres car Mauvignier ne fait pas deux fois la même chose.
SupprimerJe me mettais à hésiter (pas trop, mais un peu quand même), mais si tu en fais un coup de coeur aussi, je le lis bientôt alors ;-)
RépondreSupprimerTu as raison, lis-le bientôt.
SupprimerJe n'arrête pas de changer d'avis à propos de ce roman. Donc pas de précipitation, mais l'emprunter à la bibli pourrait être une bonne solution.
RépondreSupprimerTu peux en effet.
SupprimerL'expression que j'ai utilisée dans mon billet est "bon sentiment"mais qu'importe, l'idée est là.
RépondreSupprimerTon billet est rend un très bel hommage à ce roman et je suis plus que d'accord avec toi. Bravo pour ce billet écrit avec les tripes.
Ah oui, désolée Sylire, j'ai confondu les deux parce les deux me gênent autant je crois.
SupprimerRavie que cette lecture t'aie plu également. Un très beau texte.
RépondreSupprimerPour l'instant le plus beau que j'ai lu en cette rentrée.
SupprimerLes avis sont vraiment très différents sur ce roman... mais comme j'avais envie de laisser passer un peu de temps après justement tous ces avis, je me suis acheté "Autour du monde" en poche pour découvrir l'auteur !
RépondreSupprimerC'est une excellente idée. J'espère qu'il te mènera à celui-ci.
SupprimerComment ne pas avoir envie de le lire après t'avoir lue ! Tu le mets dans ta chaussure de course le 16 ?
RépondreSupprimerJe te mets plutôt sur la liste d'attente, il est assez demandé. ;-)
Supprimerce livre semble être un poids lourd de cette rentrée littéraire! le billet de Delphine avait tempéré mon enthousiasme, mais quelle flamme dans le tien!!
RépondreSupprimerJ'ai été emportée, heureusement que ça m'arrive parfois!
SupprimerC'est rare de te voir autant enthousiaste sur un livre. Le sujet me plaît, je le note dans ma liste.
RépondreSupprimerC'est vrai, j'ai plutôt tendance à modérer mes ardeurs.
SupprimerOh comme j'étais heureuse pour Sylire en lisant ton billet, et pour toi... Il faut vraiment que je le lise.
RépondreSupprimerNe passe pas à côté.
SupprimerC'est aussi mon livre priceminister. Tu ne peux pas imaginer à quel point te voir en faire un coup de cœur me réjouis !
RépondreSupprimerJ'ai lu ça sur un blog et j'ai hâte d'avoir ton avis.
SupprimerUn immense coup de cœur pour moi et une grande déception de le voir évincé du Goncourt. Un livre que j'ai eu du mal à quitter...
RépondreSupprimerJe ne comprends pas du tout cette éviction. Il méritait ce prix.
SupprimerJe crois qu'il en parle à la dernière émission de la grande librairie. Il faudra que j'y jette un oeil
RépondreSupprimerJe crois qu'il mérite qu'on y jette les deux yeux.
SupprimerJ'ai énormément aimé ce roman (j'ai d'ailleurs choisi sur mon billet la même citation que celle que tu as mise en exergue) et même si j'ai aussi apprécié Chanson douce, je regrette que le Goncourt n'ait pas été attribué au roman de Mauvignier, je l'ai trouvé vraiment meilleur. J'habite loin de la France, mais j'ai l'impression qu'il n'a pas été aussi médiatisé que d'autres. Fausse idée ?
RépondreSupprimerJe n'arrive pas à me faire une idée.
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