jeudi 4 octobre 2018

L'ère des suspects de Gilles Martin-Chauffier

Vous aurez mille fois le temps de faire plus ample connaissance pendant vos maraudes dans la Cité noire où je ne vous demande qu'une chose : pas de vagues. Les journaux geignards qui expliquent que tout va bien par ici endimanchent la réalité. Mais ceux qui annoncent chaque matin l'apocalypse la noircissent tout autant. Dans la maison du bonheur, on n'a laissé que le hall à Versières. Quand ils ne sont pas au chômage, ils vivotent de petits boulots. Mais depuis trois ans, miracle, ils sont au point mort, ne se battent pas, ne hurlent pas, ne protestent pas. Donc pas de zèle. Les gamins peuvent bien tenir les murs des entrées des HLM, ce n'est pas votre problème. Et si vous croyez voir un début de trafic de shit, passez votre chemin. Les surhommes de la BAC et autres services dopés au pot belge s'en chargeront tôt ou tard. Tard, j'espère. Le mot d'ordre est clair : quand tu ne peux pas éteindre le feu, ferme les yeux. 

Dans la cité de Versières, un jeune beur est retrouvé mort après avoir été pourchassé par Cosme, un jeune gendarme. Ce roman va donner la parole à tous les protagonistes, proches ou lointains, de cette affaire, de Cosme aux avocats en passant par la mère de la victime et le caïd de la cité pour ne nommer qu'eux.
C'est très probablement le roman le plus social et politique de notre sélection du Prix Goncourt des Lycéens. L'auteur y égratigne les avocats à la recherche de notoriété qui confient d'ailleurs souvent l'affaire à un bras droit plus ou moins expérimenté, les politiciens qui sont bien contents de laisser les cités aux caïds puisqu'au final, il y instaurent une économie (presque) comme les autres. On voit aussi comment Uber permet de mettre une façade propre sur des activités illégales. Comme souvent avec ce genre de romans, où toutes les paroles sont notées noir sur blanc, j'ai eu du mal à démêler les opinions de l'auteur et sur un sujet aussi brûlent, ça me dérange toujours un peu. Je suppose qu'un certain nombre de lecteurs trouveront qu'il n'y a pas grand chose de nouveau dans ce roman, ce ne fut pas mon cas parce que je ne m'étais sans doute jamais penchée sur l'économie des cités et le lien entre les différents acteurs de cette cité et le monde extérieur. C'est vraiment ce que j'ai le plus apprécié et je pense que ça devrait beaucoup intéresser mes élèves et sans doute soulever des débats. Dans ce roman, certains sont aussi prétentieux qu'ils le paraissent mais personne n'est aussi naïf qu'on pourrait le croire et personne n'est pur comme un agneau. J'ai souvent souri et ai apprécié la plume de l'auteur. Mon seul bémol est peut-être qu'à un moment, j'ai trouvé qu'on tournait un peu en rond. L'autre, c'est que tous les jeunes hommes sont présentés comme des gourmandises sur lesquelles les femmes ont soit envie de sauter, soit sur lesquels elle veulent asseoir leur pouvoir mais pourquoi pas, ça change des mâles qui ne savent pas se tenir et pour être franche, les hommes ne sont pas plus épargnés que les femmes dans ce roman. 
Il fait tout de même partie des romans que j'aurais lus en moins de vingt-quatre heures, ce qui est bon signe. 

Publié en septembre 2018 chez Grasset. 285 pages. 

mardi 2 octobre 2018

Quand Dieu boxait en amateur de Guy Bolet

Il faut admettre, dût-on passer pour un fils idolâtre, que mon père est d'une beauté sauvage, James Dean local, il possède les yeux et le voix tendre d'un Jean Marais d'un Dean Martin, d'un Jean Sablon, d'un Luis Mariano et la prestance d'un Cary Grant ou d'un Gary Cooper [...].Cupidon et Eros seraient spontanément descendus parmi nous qu'on l'eût spontanément baptisé des deux noms à la fois. C'est du moins ce qu'en pensent les femmes sitôt qu'il apparaît, un frisson animal parcourant leur échine et venant se répandre dans des endroits auxquels Dieu interdit que l'on puisse seulement songer. 

Le narrateur de ce roman raconte son père, ce héros qui ressemble pourtant plutôt à un homme étant passé à côté de ses rêves qu'à ce qu'on imagine d'un héros. Boxeur amateur adorant jouer des scènes d'opérettes dans sa cuisine, cet homme avait aussi de nombreuses fois personnifié Jésus dans la pièce écrite par son meilleur ami devenu abbé. Pourtant, ce Jésus d'opérette n'avait pas les épaules assez larges pour porter sa croix, celle du décès de son deuxième fils, mort dans sa petite enfance. 
Vous imaginez bien que moi qui ai passé l'année dernière à dire à ma fille, surtout, le jour de l'oral d'anglais, à la question "Qui est ton héros ?", tu ne réponds pas "Ma mère" parce que je ne supporte plus cette réponse idiote et souvent non étayée par des arguments convaincants, je n'étais pas la lectrice idéale pour ce roman. Je n'aime pas les romans, fictifs ou pas parce qu'au final, peu m'a importé que le narrateur soit l'auteur ou pas, qui parlent des mères ou des pères, que ce soit pour les porter aux nues ou pour les vilipender. Je n'ai rien contre le fait d'être en adoration devant ses parents, dans la vie, ça me touche même qu'on me démontre que ça arrive, mais je trouve que ça fait globalement de la mauvaise littérature. 
Je sais que Guy Boley a gagné le cœur de nombreuses blogueuses littéraires avec son précédent roman, Fils de Feu et je suis la première à reconnaître la qualité de sa plume. J'ai aimé quelques passages mais j'ai trouvé l'ensemble bien creux. 

Publié en août 2018 chez Grasset. 175 pages. 

Merci à la FNAC.
A conseiller à celles qui n'ont pas une pierre à la place du cœur. 

Moi par (six) mois

En juillet, je publiais ici le résumé des six premiers mois de mon année. Il fallait bien une suite, la voici donc. Une suite, mais aussi ...