mardi 31 janvier 2017

Making a murderer (série Netflix)

Cette série-documentaire est un succès surprise pour Netflix. Pendant dix ans, deux journalistes ont suivi Steven Avery, un américain du Wisconsin qui a purgé dix-huit ans de prison pour un meurtre qu'il n'a pas commis, puis qui fut accusé du meurtre d'une jeune femme, retrouvé morte et calcinée sur sa propriété. Les premiers épisodes se concentrent sur la première affaire mais c'est la deuxième enquête et le second procès qui occupent l'essentiel de la série. Ce qui est incroyable, c'est que rien n'est joué et pourtant, le suspense est à son comble. Les rebondissements se multiplient: Steven est -il coupable ou victime, comme il le prétend, d'une machination? Ses dix-huit ans de prison ont-ils fait de lui un meurtrier?  C'est une vraie critique du système américain, de la justice et du rôle du shérif; il ne faut pas oublier que le shérif est un élu. Ce documentaire vaccine contre l'envie de visiter le Wisconsin et pourtant, je trouve qu'il réalise une prouesse, celle de décrire une communauté presque marginalisée comme l'est la famille Avery sans aucun mépris et sans condescendance. C'est l'équipe du shérif qui est présentée comme les "méchants" et l'avocat de la défense du neveu de Steven qui est à la fois ridiculisé et présenté comme extrêmement méprisant envers son client. C'est une belle réussite même s'il me semble qu'on aurait pu réduire la série à huit épisodes, j'ai ressenti une légère lassitude sur la fin à l'exception du dernier épisode, incroyable à plus d'un titre. Les scènes d'interrogatoire de Brendan, adolescent ayant un déficit mental, sont édifiantes. 


A conseiller à ceux qui recherchent une série originale sur le système judiciaire américain. 
Merci à mon fils qui partage avec moi son abonnement Netflix.  

dimanche 29 janvier 2017

Je m'appelle Nathan Lucius de Mark Winkler

Si vous pensez qu'apprendre est très difficile, essayez d'oublier. Oublier le mandarin que vous avez appris à parler serait beaucoup plus dur que de l'apprendre au départ. On peut apprendre complètement. On ne peut jamais oublier complètement. 

Nathan Lucius travaille dans un journal; son métier consiste à vendre des encarts publicitaires. Il a peu de contacts avec ses collègues mais prend parfois un verre avec Sonia, sa chef. A trente et un ans, il vit seul et n'a pas d'amis, à part Madge, l'antiquaire qui souffre d'un cancer. Celle-lui lui demande un beau jour de l'assassiner pour mettre fin à ses souffrances. Dans le même temps, puisque Eros ne va pas sans Thanatos, il entame une liaison avec voisine.

Il est difficile d'en dire beaucoup plus sur ce roman et pourtant, si la première moitié ne manque pas d'intérêt, c'est surtout la deuxième qui nous surprend. On comprend dès le début que Nathan est un être à part, pas totalement socialisé. Ses relations sont toutes féminines et il a peur que l'on empiète sur son espace vital et qu'on pénètre dans son appartement. Plus étrange, il se procure des albums phots entiers et se recompose des arbres généalogiques. C'est un être complexe, dont on sent bien qu'il nous échappe mais aussi attachant, ne serait-ce que par sa relation avec Madge. Je vous conseille ce roman sud-africain réussi (même si j'ai un petit bémol dont je ne peux absolument pas vous parler sans déflorer le roman) écrit en 67 265 mots (c'est précisé sous le titre et cette précision cadre bien avec le personnage). Je crois que c'est la première fois que je lis un roman sud-africain dans lequel il n'est pas question de race et il me semble important de ne pas réduire la littérature de ce pays à ce thème. 

Publié le 26 janvier 2016 aux éditions Métailié- 232 pages.

A recommander à ceux qui aiment les narrateurs marginaux.  



logo-challenge-rentree-litteraire-janvier-2017-micmelo-litteraire

jeudi 26 janvier 2017

Jeux de miroirs d'Eugen Chirovici (traduit par Isabelle Maillet)

Peter est agent littéraire. Il reçoit un jour une lettre d'introduction d'un auteur qui souhaite lui faire lire son manuscrit, dont il lui envoie une première partie, la suite étant envoyée si l'agent trouve le manuscrit intéressant. Peter aime beaucoup le style de la lettre et lit les soixante-dix pages qui lui ont été envoyées. Il y est question d'un jeune étudiant qui tombe amoureux de sa colocataire et travaille pour un professeur que cette dernière lui a présenté et qu'on découvre assassiné. Quand Peter demande la suite du manuscrit, on lui apprend que l'auteur vient de mourir. Il ne baisse pas les bras pour autant et décide d'embaucher un journaliste pour découvrir si la fin du manuscrit existe et si ce n'est pas le cas, pour trouver les éléments qui permettraient de le finir. 

A la fin de son roman, l'auteur donne un certain nombre d'informations intéressantes sur son livre. Il explique d'abord qu'il l'avait envoyé à un éditeur tellement honnête que ce dernier lui a conseillé d'aller voir ailleurs, considérant qu'il était trop bon pour sa petite maison d'édition qui ne pourrait payer à l'auteur l'à-valoir que le roman méritait. Eugen Chirovici explique aussi que l'idée de son roman vient d'un souvenir qu'il a toujours considéré comme faisant partie de ce qu'il avait vécu, jusqu'à ce qu'on lui explique qu'il n'était pas présent à cet événement mais s'était persuadé du contraire à force d'en entendre les détails. L'un des thèmes principaux de ce roman est effectivement comment un même événement peut être vécu différemment par les uns et les autres puisque chacun ne voit qu'une partie de la réalité. Même si ce roman n'est pas étiqueté comme roman policier, nul doute pour moi qu'il en est un, avec son mort, sa femme fatale et ce jeune étudiant dont on ne sait s'il est naïf ou manipulateur. C'est classique (l'auteur dit d'ailleurs que ses influences le sont), sans doute un peu trop pour moi mais ça devrait plaire. C'est le premier livre de cet auteur roumain écrit en anglais, livre qui fut rejeté par six éditeurs américains mais accepté immédiatement par un éditeur britannique. Pour la petite histoire, Eugen Chirovici vit désormais dans une ville où, depuis que j'y suis allée, je me suis dit que j'adorerais y vivre si j'étais anglaise, à cause de son nom et parce que c'est une jolie petite ville: Reading. 

Publié le 26 janvier 2017 aux éditions Les Escales. Ce livre sortira dans quelques mois chez Audiolib pour les amateurs de version audio. 
Merci à l'agence Anne et Arnaud. 
A conseiller aux amateurs de puzzles.



logo-challenge-rentree-litteraire-janvier-2017-micmelo-litteraire

mardi 24 janvier 2017

J'm'en fous chanté par Vianney



Une chanson qui entre  en résonance avec ma lecture du moment, Le séducteur de Jan Kjaerstad (Monsieur Toussaint Louverture) :
"Margrete ne veut plus être avec toi", déclare-t'elle.
Jonas contemple la buée qui sort de sa bouche, puis il répond par une de ces phrases inconcevables que l'on est malheureusement capable de lancer dans un pareil moment: "J'm'en fous". Pendant des années, il se demandera où il avait pu aller chercher une telle ânerie. "J'm'en fous".
Que fait-on quand on est désespéré?


dimanche 22 janvier 2017

En quête de l'étranger d'Alice Kaplan

Alice Kaplan est professeur à Yale, Elle s'est penchée sur le roman d'Albert Camus, L'Etranger, de sa conception aux œuvres qu'il a inspirées. N'étant pas une spécialiste de ce roman, que j'ai relu il y a peu pour mieux apprécier Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud ; j'ai beaucoup appris dans cet essai. Sur l'auteur d'abord, dont je ne connaissais finalement pas grand chose, ni qu'il était tuberculeux, ni qu'il avait eu du mal à trouver sa voie littéraire. Je n'avais aucune idée de l'influence du film Le facteur sonne toujours deux fois qui fera basculer le récit vers une confession à la première personne et je ne me souvenais pas que Meursault allait voir un film de Fernandel, une façon sans doute pour Camus de faire un clin d'oeil à un acteur qu'il aimait. Je ne savais pas qu'une partie de L'Etranger avait été rédigée à Clermont-Ferrand;  guerre oblige, c'est là que son journal Paris-Soir avait déménagé. J'ai aussi appris que depuis la première publication du roman en version anglaise, il s'intitule The Outsider en anglais et The Stranger en américain. Un roman polonais venait de sortir dont le titre fut traduit par The Stranger. Les anglais décidèrent donc de changer le titre mais les américains s'en rendirent compte trop tard. A ce jour et malgré des traductions remaniées, la différence de titre persiste. L'édition américaine avait dénaturé le texte de Camus en remplaçant son style indirect par du style direct, ce que Camus, sans comprendre l'anglais, vit tout de suite, typographie oblige. M'étant replongée cette année dans des exercices de version, je comprends assez bien que Gilbert aie souhaité "amélioré" le style de Camus, trop minimaliste pour lui, c'est la travers dans lequel le traducteur se doit pas tomber, celui de ne pas tenter d'améliorer le texte. Quand on apprend qu'il traduit "ce n'est pas de ma faute" par "Sorry, sir, but it's not your fault, you know", en sachant que l'anglais a normalement tendance à être plus concis que le français, on se demande combien de pages faisait la version américaine. Aux Etats-Unis, La Peste (mon roman préféré de Camus, lu et relu)  se vend d'abord mieux que L'Etranger mais la petit nombre de pages de ce dernier va inverser la tendance, il fait de L'Etranger le roman parfait à étudier en cours de français. le Folio n°2 devient le roman le plus vendu de la littérature française (il est encore régulièrement dans le top 100 des ventes de romans). On apprend aussi des éléments intéressants sur l'évolution du nom dans L'Etranger et du prénom dans Meursault, contre-enquête
C'est donc un essai fort instructif. 

Traduit par Patrick Hersant pour Gallimard - 330 pages. 

A conseiller à tous, Albert Camus étant un monument de la littérature française. 
Merci au jury de février du Grand Prix des lectrices de Elle. 

                                                          

jeudi 19 janvier 2017

La chair de Rosa Montero


Trop de colère, c'est comme trop d'alcool, cela produit une intoxication qui vous fait perdre la lucidité et le discernement. 

Soledad a un prénom qui lui colle à la peau: à soixante ans, elle a toujours vécu seule et n'a pas d'enfants. Pourtant, elle est encore belle et fait moins que son âge. Quand son amant Mario, un beau quadra, la quitte parce que sa femme est enceinte, elle se demande si elle fera encore l'amour et se sent sur la pente déclinante. Pour l'épater et le rendre jaloux, elle va engager un beau gigolo trentenaire pour l'accompagner à l'opéra. Mais Soledad tombe sous le charme du jeune homme et un gigolo, ça finit par coûter cher. 

Ce roman m'a rappelé un livre d'Annie Ernaux dans lequel une femme d'âge mûr tombe amoureuse d'un jeune homme et devient pathétique dans sa façon de vivre un amour qui visiblement n'est pas réciproque; à la différence qu'ici, le contrat est clair dès le début. Soledad va dépenser une petite fortune pour quelques heures dans les bras de son trentenaire: la première soirée lui coûte la bagatelle de six cent euros. Heureusement, le jeune homme est généreux et lui offre quelques moments gratuits. Car ce qui fait basculer Soledad, c'est que le jeune homme est chaleureux et reconnaissant. De plus, ils ont la malchance de tomber dans une embuscade le premier soir et Soledad le ramène chez elle pour le soigner, en sachant d'ailleurs qu'elle fait une erreur. Si ce roman est globalement triste parce qu'il raconte la terrible solitude d'une femme, il y a des passages qui prêtent à sourire même si le fond n'est pas drôle, notamment le moment où elle se prépare pour son rendez-vous "amoureux" et qu'elle change sans cesse d'avis sur ce qu'elle doit faire et mettre. On déplorera quelques images un peu clichés:  elle voulait s'ouvrir toute entière pour lui comme une anémone. L'une des originalités de ce roman tient dans le fait que Soledad doit préparer une exposition sur des écrivains maudits et elle égrène donc des anecdotes sur des écrivains. J'ai par exemple appris qu'Anne Perry avait à quinze ans assassinée la mère d'une amie à l'aide d'une brique cachée dans sa chaussette. Malheureusement, on découvre que l'histoire la plus passionnante de la série est en fait une invention, je n'ai pas compris l'intérêt d'avoir inventé une anecdote. La seconde originalité est que l'auteure se met en scène dans son propre roman. 
Publié le 19 janvier aux éditions Métaillié- 190 pages

Merci aux éditions Métaillié.
A conseiller à celles qui aiment les romans sur le rapport au corps. 


logo-challenge-rentree-litteraire-janvier-2017-micmelo-litteraire



mardi 17 janvier 2017

Ouvert la nuit d'Edouard Baer

Quand on va voir un film avec Edouard Baer, il faut adorer cet acteur. Alors imaginez un film écrit et joué par Edouard Baer! Il tient ici le rôle d'un directeur de théâtre à la veille d'une première. Le personnel n'a pas été payé depuis deux mois, le metteur en scène japonais est infect et l'homme qui doit jouer le singe se fait une entorse. Ceux qui travaillent en coulisse décident de faire grève et Luigi a une nuit pour trouver de l'argent. Sauf qu'il passe son temps à faire autre chose que ce qu'il avait prévu de faire. 

Difficile de faire un film plus bordélique que celui-ci. Ça part dans tous les sens, aussi bien dans les dialogues que dans les scènes, on déambule dans Paris d'un lieu à l'autre. Il faut accepter l'absence de sens, se laisser porter. Luigi est l'archétype du baratineur égoïste qui n'a aucun sens des réalités, ce qui semble improbable pour un directeur de théâtre. Mais la vraisemblance n'est pas ce que recherche Edouard Baer en tant que réalisateur. Heureusement que l'acteur qu'il est porte le film à bout de bras! Les actrices qui l'entourent sont très bien aussi, c'est même la première fois que j'aime Audrey Tautou dans un film. La maturité lui va très bien. Je ne vais pas vous dire que c'est le film de l'année mais le voir quand on ne veut pas réfléchir est adéquat. 

Sortie: le 11 janvier 2017- 1h37

Merci à mon amie Nathalie qui a sans doute plus aimé le film que moi (tout comme Telerama d'ailleurs).
A conseiller aux inconditionnels d'Edouard Baer. 


dimanche 15 janvier 2017

Tropique de la violence de Natacha Appanah

Marie a quitté la métropole pour un bel homme qui avait jeté son dévolu sur elle sans qu'elle ne comprenne vraiment ce qu'elle avait de plus que toutes celles qui lui couraient autour. Elle le suit à Mayotte où elle obtient sa mutation. Mais l'enfant tant attendu par le couple ne vient pas et il finit par la quitter pour une femme qui tombera très vite enceinte. Marie n'a pas fait le deuil de l'enfant en perdant son homme. Quand une très jeune réfugiée lui tend son propre enfant qu'elle pense maudit parce qu'il possède un œil vert et un autre noir, elle se débrouille pour qu'il devienne le sien. 

Ce roman n'est pas un roman sur le mal d'enfant. Pourtant, ce sont les premières pages qui sont centrées sur Marie que j'ai le plus aimées. C'est un personnage touchant, qui fait tout ce qu'elle peut pour élever son fils avec amour. Mais elle reste persuadée que chaque corps garde une mémoire de son passé et son fils ne va pas échapper à son destin tragique. Marie ouvre le roman mais c'est une voix mineure puisque la suite oscille entre les points de vue d'autres protagonistes, c'est l'un des aspects qui m'a gênée parce que je n'arrivais pas à m'attacher à un personnage et quand je dis m'attacher, je ne veux pas dire aimer; ce n'est pas important de les aimer ou pas, mais je n'avais pas l'impression d'avoir la possibilité de passer assez de temps avec les uns et les autres. D'autre part, je ne suis pas friande des romans dont les narrateurs sont des adolescents, à quelques exceptions près, et ces ados-là ne m'ont pas embarquée, malgré le sérieux du sujet et la violence dont font preuve ces ados: il y a un petit côté Sa majesté les mouches dans le traitement de la violence juvénile.  

Publié chez Gallimard an août 2016- 175 pages.

Merci au jury de février du Grand Prix des Lectrices de Elle.
A conseiller à ceux qui aiment les romans contenant de nombreuses voix. 

                                                                                            

jeudi 12 janvier 2017

Surtensions d'Olivier Norek

Dans la prison de Marveil, Nunzio Mosconi vit l'enfer. Arrêté après un cambriolage qui avait pourtant bien tourné, il a eu la mauvaise idée de porter l'une des montres numérotées qu'il avait volées et de se faire contrôler après avoir pris de la cocaïne. Il n'a pas les épaules pour survivre en prison et devient très vite une victime sexuelle. L'isolement deviendra la seule solution mais on ne revient pas indemne de ces jours de solitude. Alex, sa soeur, ne supporte pas de savoir son frère dans cet état et elle décide ni plus ni moins de braquer la salle des scellés. Ou plutôt de braquer un employé de la salle des scellés qui fera le boulot pour elle. C'est le capitaine Coste qui sera chargé de cette enquête qui recoupe une autre affaire sur laquelle il travaille: celle du meurtre d'un adolescent juif. 

Ce polar met en scène le capitaine Coste qui apparaît dans deux autres romans. Olivier Norek est lui-même lieutenant de police, il connaît donc bien son sujet et surtout, il semble très bien connaître le milieu carcéral qu'il n'épargne pas. A côté des matons et du directeur de la prison, les policiers ont presque un cœur en guimauve. L'action ne manque pas dans ce polar, on ne va pas dire qu'on s'embarrasse beaucoup avec la psychologie des personnages. Ce n'est pas forcément ma tasse de thé mais c'est un polar efficace, même si certaines phrases clichés des moments pré ou post-sexuels m'ont fait sourire. J'ai quand-même été gênée aux entournures, comme ça m'arrive régulièrement avec ce genre de livres, par la légitimation du meurtre dans certains cas. D'un autre côté, l'aspect pas politiquement correct de la scène impliquant un chat m'a amusée. C'est donc un polar qui plaira aux amateurs du genre, il a d'ailleurs obtenu le prix Le Point du polar européen 2016. Tous les blogs spécialisés dans le polar l'ont adoré, ce qui me conforte dans l'idée que je ne serai jamais une spécialiste du genre. 
Pour Lea Touchbook, ce n'est pas le meilleur de l'auteur. 

Publié chez Michel Lafon en mars2016- 499 pages

Merci au jury de janvier du Prix Elle.
A conseiller aux amateurs de testostérone. 

                                                                  

mardi 10 janvier 2017

Manchester by the sea de Kenneth Lonergan

Lee Chandler vit à deux heures de route de la petite ville dans laquelle il a grandi et vécu sa première vie: celle d'un père de famille amoureux de sa femme. Il est désormais concierge dans plusieurs immeubles et si ses compétences sont indéniables, il faut que les habitants fassent avec son caractère taiseux. Il vit dans un une-pièce, seul, et semble se contenter de peu. Quand il reçoit un coup de fil lui annonçant la mort de son frère, il lui faut revenir sur les traces de son passé et faire face aux attentes de son défunt frère qui souhaitait faire de lui le tuteur de son fils. 

J'ai vu ce film il y a quelques semaines et je pensais ne pas faire de billet parce que j'avais fait une petite pause bloguesque. Mais en y réfléchissant, je me suis dit que je ne pouvais pas ne mentionner ce très bon film et tant pis si mon billet arrive un peu tard. J'attendais beaucoup de ce film alors que peu de films me donnent envie de m'enfermer dans les salles obscures en ce moment. Le risque d'être déçue était donc grand. J'aime particulièrement Casey Affleck que j'avais découvert dans l'adaptation d'un roman de Denis Lehanne réalisé par son frère Ben et Kyle Chandler découvert dans la série Bloodline. Je suis moins fan de Michelle Williams mais je l'ai trouvée parfaite dans le rôle de l'ancienne femme meurtrie de Lee. Il y a deux scènes particulièrement fortes dans ce film: l'une se déroule dans le commissariat et l'autre met en scène une discussion (ou plutôt un monologue, Lee n'étant pas très bavard) entre Lee et sa femme. Le film pose des questions intéressantes et notamment sur l'impossibilité d'imposer à quelqu'un un rôle trop grand pour lui. Je trouve que la première partie a quelques longueurs mais c'est un très léger bémol. La musique est parfaite, particulièrement au moment de la scène la plus forte du film. 
Casey Affleck est nonimé plusieurs fois pour ce rôle et vient d'obtenir le Golden Globe. 

Sorti le 14 décembre 2016. 2h14.

Un grand merci à la très bonne émission La Dispute qui fut la première à me signaler ce film. 


dimanche 8 janvier 2017

La fille sur la photo de Karine Reysset

Anna a longtemps vécu dans l'ombre  d'un réalisateur de renom, Serge. Elle a vu ses filles grandir, s'y est attachée, puis a coupé les ponts avec cette famille qui n'était pas tout à fait la sienne. Les filles ont grandi et quand l'aînée se retrouve hospitalisée pour des problèmes de dépression, Serge demande à Anna de venir à son chevet.

Karine Reysset est une auteure que j'aime. Discrète, trop peut-être, il me semble qu'elle n'a pas toujours droit à l'espace qu'elle mérite. J'étais restée un peu sur ma faim avec le dernier roman paru chez l'Olivier et je n'ai pas lu son roman suivant. Celui-ci m'a fait retrouvé la Karine Reysset que j'aime, qui sait nous raconter une histoire assez simple en y mettant des sentiments mais pas de sentimentalisme. J'ai peu lu de romans sur le thème très intéressant des liens qui se créent entre belle-mère (ou beau-père) et enfants du conjoint et de la douleur d'une séparation imposée. Je trouve que Karine Reysset traite parfaitement ce thème, inventant des personnages féminins attachants. On y retrouve quelques clins d'oeil: à Saint-Malo ou à un précédent roman par exemple et j'aime retrouver ces petits signes d'intimité que peuvent partager un auteur et ses lecteurs. Si vous aimez les intrigues à rebondissements, ce roman n'est pas pour vous mais si vous avez envie d'une variation sur le thème fille-mère (ou belle-mère donc), ce roman devrait vous plaire, d'autant que la relation entre Anna et sa mère est aussi présente.  J'espère que Karine Reysset sortira un peu de l'ombre de son compagnon, à qui ce roman est dédié. Sandrine a aimé. 
Sortie le 4 janvier 2017 chez Flammarion. 300 p.
Challenge de la rentrée de janvier: n°2. 

A conseiller à ceux qui aiment les histoires de famille.
Merci à Babelio





jeudi 5 janvier 2017

Trois saisons d'orage de Cécile Coulon


Son corps, tourné vers la demeure au bout du chemin, voulait s'allonger, grandir instantanément, tendu jusqu'aux fenêtres. 

Après la seconde guerre mondiale, André s'installe aux Fontaines. Seul médecin de cette bourgade qui tourne autour de l'extraction de la pierre, il est très apprécié des habitants. Lors d'une visite particulièrement dramatique, il tombe amoureux d'une maison qui sera peut-être le grand amour de sa vie. Le destin lui simplifie la tâche: un enfant y meurt et les parents ne s'imaginent pas continuer à vivre dans ce lieu maudit. André achète la maison mais peut-on être heureux dans un endroit acquis grâce au malheur des autres? André y croira longtemps jusqu'à ce que le destin ne frappe une seconde fois. 

Selon les lecteurs, on assimilera ce roman à un roman social, celui d'un village dont l'économie prospère grâce à l'implantation d'une carrière, à un roman d'apprentissage ou à une allégorie de l'aventure humaine dans un jardin d'Eden d'où certains seront bannis. On pourrait aussi parler de désir(s), de secret de famille, de chemins de vie, de destin, de sacrifice, y voir une tragédie à la Racine, avec des personnages qui croient tout contrôler quand il n'en est rien; il faudra bien que cette force plus grande que les hommes répare en sacrifiant quelques victimes sur l'autel de l'ordre.  Si j'aime beaucoup deux des romans précédents de l'auteure pour des raisons différentes, Le Rire du grand Blessé et Le Cœur du Pélican,  j'avais quelques réserves sur des points précis de ces romans. Je n'en ai aucun ici.  Il tient en haleine du début à la fin, la plume est un régal (mais je ne dirais pas qu'elle est arrivée à maturité, c'était déjà le cas avec le roman précédent), avec un recours toujours aussi présent aux images mais de manière plus subtile que dans ses premiers romans ; certaines d'entre elles laissent une empreinte forte, sinon indélébile. J'ai une préférence pour les personnages masculins de ce roman, particulièrement Clément, Valère et André. Chacun a un rôle bien précis inscrit dans une tradition littéraire: Clément est le passeur d'histoire, le prêtre qui ne juge pas, André est le sage rongé par la connaissance, Valère est le héros de la tragédie, celui qui souffre mais qui porte son fardeau avec dignité. Mais,il y a deux "personnages" tout aussi importants et attachants que ces êtres faits de chair et de sang : la maison (et j'ai un gros faible pour les romans qui, comme celui-ci ou Lady Hunt savent faire vivre une maison) et ce village qui évolue sous la houlette des frères Charrier.  J'espère que vous les aimerez autant que moi. C'est ma première participation au challenge de la rentrée de janvier. 

Publié le 5 janvier aux éditions Viviane Hamy- 270 pages. Cécile Coulon présentera son roman à lalibrairie Les Volcans de Clermont-Ferrand le samedi 14 janvier à 15h.

A conseiller aux amateurs de tragédies raciniennes (mais en prose), de sagas familiales ou de roman social, aux lecteurs avides d'une intrigue et d'une plume marquante. 

                                                                    



mardi 3 janvier 2017

Bilan 2016

Il est temps pour moi de faire le bilan de mes découvertes culturelles (et gustatives) de l'année. Ce ne fut pas une année mémorable: mes coups de coeur littéraires ne sont pas aussi forts qu'ils ont pu l'être les années passées (sauf pour le polar) et je n'ai eu qu'un coup de coeur cinéma. Par contre, ce fut une excellente année pour les séries.  Avec du recul, voici ce qui reste:

Mon polar préféré: 



Mon roman préféré: 




















Ma série préférée (malheureusement, je n'ai pas réussi à m'intéresser à la seconde saison) avec Kyle Chandler qui est sans doute ma découverte de l'année côté acteurs :



Mon film préféré:


                                      

Ma destination préférée découverte cette année: Madère






















Ma série de photos préférée, celle de Charles Fréger:








Mon lieu préféré pour y passer une nuit (mais pas seule car personne aux alentours, et l'hiver, la chambre n'est pas chauffée, il vaut mieux y aller avec quelqu'un qui a les pieds chauds): le buron des Bânes à Pailherols dans le Cantal :

mon resto coup de coeur: le Maracuja à Clermont-Ferrand, ouvert juste avant l'été et déjà un incontournable avec un rapport qualité-prix imbattable.



Je vous souhaite une excellente année 2017, de belles lectures, de belles expos, de belles séries et de beaux films. En attendant de vous parler de quelques romans de la rentrée, voici la liste des sélectionnés pour le prix RTL- Lire, liste publiée le 15 décembre 2016 (ça peut déjà donner quelques idées):
La sonate à Bridgetower d'Emmanuel Dongala (Actes Sud)
Une femme au téléphone de Carole Fives (Gallimard-L'Arbalète)
Chaleur de Joseph Incardona (Finitude)
Hadamar d'Oriane Jeancourt Galignani (Grasset)
Prendre les loups pour des chiens d'Hervé Le Corre (Rivages)
Sous le compost de Nicolas Maleski (Fleuve)
Le cas Malaussène de Daniel Pennac (Gallimard)
Tout ce dont on rêvait de François Roux (Albin Michel)
Romain Gary s'en va-t'en guerre de Laurent Seksik (Flammarion)
Article 353 du code pénal de Tanguy Viel (Minuit)


Moi par (six) mois

En juillet, je publiais ici le résumé des six premiers mois de mon année. Il fallait bien une suite, la voici donc. Une suite, mais aussi ...