dimanche 24 avril 2016

Titus n'aimait pas Bérénice de Nathalie Azoulai

On dit qu'il faut un an pour se remettre d'un chagrin d'amour. On dit aussi des tas d'autres choses dont la banalité finit par émousser la vérité. 

Bérénice est la maîtresse de Titus. Marié et père de famille, il la quitte par devoir. C'est en tout cas ce qu'il prétend. Reste-t'on vraiment avec son conjoint par souci du sacrifice, par lâcheté lorsqu'une autre vous hante ou tout simplement parce qu'on n'aime pas vraiment? Bérénice décide de soigner son chagrin d'amour en relisant tout Racine. 

Je m'attendais à ce que les réflexions concernant Racine représentent une infime partie du roman et qu'il  parle davantage de l'histoire d'amour contemporaine entre Bérénice et Titus. Je suis ravie d'avoir eu tort. Si j'ai aimé les errements de Bérénice et même les passages où elle rencontre la famille de Titus (je dis même car je ne suis pas sûre que cette partie soit crédible, mais je m'en fiche totalement), j'ai adoré découvrir le parcours de Jean Racine. Je me rends compte qu'à part ses écrits, je ne connaissais pas grand chose de lui. Dès le collège, j'ai été Racine plutôt que Corneille (même si j'adore Le Cid) et j'adorais déclamer les alexandrins d'Andromaque à voix haute. Découvrir que je ne fus pas la seule (et encore plus en parlant de ce roman autour de moi) m'a rassurée sur ma normalité. Et la vie de Racine permet effectivement d'en faire un roman. J'ai été particulièrement sensible à l'éducation de Racine et à son amour grandissant pour la langue et pour les alexandrins. J'ai aussi beaucoup aimé l'écriture de Nathalie Azoulai, son utilisation des comparaisons par exemple: (parlant du Maître de Racine et du fait que celui-ci l'appelle "mon fils): Il a dix-sept ans et s'endort dessus comme on suce son pouce ou encore  Les personnes se suivent comme les degrés d'une échelle. Les différentes périodes et circonstances façonnent l'enchaînement sans qu'on n'ait même besoin de le décider.  Mais aussi la simplicité de certaines phrases, si justes: Le chagrin ne commence pas par le chagrin. [...]Il faut du temps pour mesurer l'espace qui vous sépare de quelqu'un. On est si proche et le lendemain si loin, l'esprit ne suit pas, il doit accommoder. 

Je pourrais citer de nombreuses phrases de ce roman et ce serait sans doute le meilleur moyen de lui rendre hommage. Mais je préférerais que vous ayez le plaisir de les découvrir au détour des pages du roman. Je vais tout de même finir par l'une de mes préférées: 
une personne quittée est une carcasse qu'on désosse et qui couine de toutes parts, dont on déchire les plus tendres cartilages, sans ordre ni méthode. 

Prix Médicis 2015 publié en septembre 2015 chez POL- 416 pages

A conseiller à ceux qui veulent découvrir la vie de Racine à travers une plume de grande qualité.
Merci à Nathalie et Hélène, mes amies, qui m'ont fait le grand plaisir de m'offrir ce roman dédicacé au Salon du Livre. 



32 commentaires:

  1. Je suis aussi tout à fait normale .... Moi, c'est Phèdre que je déclame de temps à autre .... J'ai adoré ce livre, comme toi, les passages hors Racine, ne sont pas vraiment ceux que j'ai préférés, mais ils résonnent juste en contre point de la biographie, comme le montre les citations que tu as choisies.

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  2. Je lui tourne autour sans oser sauter le pas... J'ai peut-être tort de ne pas me lancer finalement...

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    1. Nous sommes sans doute nombreux, comme en atteste le prix Médicis.

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  4. Tes coups de coeur ne se laissent pas passer. Je note donc.
    J'ai enfin "amours" dans ma PAL. Lecteur prévue très prochainement.

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    1. J'ai hâte de lire ton avis sur cette petite merveille (non je ne t'influence pas du tout).

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  5. Les extraits sont magnifiques, vraiment, mais Racine et Corneille...houla vite fuyons :D

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    1. Mais si tu lis ce roman, c'est Azoulai que tu liras, pas Racine et elle n'écrit pas en alexandrins. ;)

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    2. Oui mais non...dis moi oui mais non...la la la la la la... :D

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    3. Tu es un peu têtu, non? (c'est une qualité pour moi)

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  6. Tiens, je n'aurais pas pensé non plus que ce livre aborderait davantage la vie de Racine que celle de nos contemporains fictifs. Bon, du coup je lui donnerai peut-être sa chance.

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    1. Comme quoi, on se fait parfois une idée erronée d'un roman avant de le lire et on ne sait pas vraiment d'où ça vient.

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  7. J'en ai lu une bonne moitié et je l'ai laissé à cause des mes yeux à ce moment-là. Il faut que je le reprenne maintenant, j'aime beaucoup ce que j'ai lu et je découvre complètement Racine.

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    1. Le plaisir combiné de Racine et de l'écriture d'Azoulai est effectivement à ne pas mettre de côté.

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  8. J'ai vu pas mal de billets sur ce roman et ça ne m'a pas donné envie de le lire, mais peut-être que je vais changer d'avis, en tout cas je le note sur mon petit carnet!

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  9. Racine n'est pas ma tasse de thé mais un tel enthousiasme est si rare chez toi que je suis plus qu'intrigué !

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    1. Effectivement, c'est rare mais une telle écriture aussi.

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  10. J'ai toujours préféré Corneille .....Le devoir et l'honneur par dessus tout.....Le Cid for ever

    Attila

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    1. Je t'accorde le Cid. Mais quand-même, le devoir aussi ne laisse pas beaucoup de place au bonheur non plus chez Racine. (et puis quand-même, Pour qui sont ses serpents qui sifflent sur vos têtes, c'est pas la plus belle allitération de la langue française, ça?).

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    2. Je t'accorde les serpents évidemment !

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  11. Je le lirai certainement : je me répète parfois des vers d'Andromaque, de Phèdre, mais aucun de Bérénice, que je connais moins bien.

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  12. J'ai comme toi longtemps été plus Racine que Corneille, si bien que j'ai vécu ce roman comme une plongée envoutante non seulement dans l'oeuvre d'un auteur, mais dans la passion que j'avais éprouvée pour cet auteur. Ce qui est un peu le sujet du livre, me semble-t-il. La langue de Racine est unique, et plus unique encore parce qu'elle épouse cette chose si singulière qu'est le sentiment amoureux.

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    1. C'est tout à fait ça, une plongée dans une passion commune, et c'est passionnant.

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  13. Je suis contente que tu aies aimé, car j'ai énormément apprécié cette lecture, et le chemin pris par l'auteur pour nous conter la vie de Racine plutôt que l'histoire d'une Bérénice moderne (mais je suis sure que j'aurais beaucoup aimé aussi :)

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    1. Mais en fait, je découvre que tout le monde semble avoir beaucoup aimé!

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  14. Il est dans ma PAL. Je l'avais sorti, et puis je l'avais reposé, sans trop savoir ce que j'avais envie d'y lire. Mais ton billet me donne envie de ne pas le laisser encore trop longtemps prendre la poussière :)

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