mardi 19 avril 2016

Orgasme de Chuck Palahniuk

Pour sa part, elle se sentait moins petite amie que laborantine. Le Dr Watson. Igor. Ou le chien de Pavlov. 

Ce que j'aime en littérature, c'est d'enchaîner des lectures qui ne se ressemblent en rien. Passer de Jane Austen à Chuck Palahniuk, c'est quitter la bonne vieille Angleterre rassurante (et pourtant mysogyne) pour se retrouver dans un territoire inconnu, dont on peine à reconnaître les paysages. Et ça commence d'entrée avec une scène étonnante : Penny Harrigan est au tribunal et se fait agresser sans que personne ne semble désireux d'intervenir. Le narrateur revient sur le fabuleux destin de Penny qui travaille dans un cabinet d'avocat mais a échoué trois fois à l'examen du barreau. Elle se contente donc très souvent de servir le café ou de chercher des chaises pour les réunions. C'est sa tâche d'ailleurs, ce jour-là et un concours de circonstances la fait échouer les fesses en l'air devant l'un des hommes les plus riches de la planète. Son destin se met en branle...

Si vous ne connaissez pas Chuck Palahniuk, vous pouvez imaginer qu'il s'agit d'un mummy porn. Si vous le connaissez, vous vous doutez sans doute que c'est une caricature du genre, et une caricature aux trois quarts réussie. Les trois quarts du roman sont jubilatoires, j'ai souvent pouffé de rire, et rien n'est érotique là-dedans. Maxwell, le riche de l'histoire ne pense qu'à faire monter les femmes aux septième ciel mais ses intentions sont purement commerciales et on s'approche plus du gothique et de Barbe-Bleue que de Cinquante nuances de Grey. L'acte sexuel est désérotisé, il devient purement clinique et scientifique. L'auteur dresse le tableau apocalyptique d'une société dans laquelle les femmes ne sortent plus puisqu'elles sont mieux chez elles à satisfaire seules leurs désirs sexuels. C'est une histoire de zombies assoiffées de gadgets sexuels. Certaines phrases prises au premier degré peuvent donner l'impression d'une misogynie insupportable mais pris à d'autres degrés, c'est très drôle et parfois empreint d'une certaine vérité:

tout homme séduit une belle femme en cajolant le gros chien puant qui l'accompagne. 

Penny est un personnage intéressant. Extrêmement naïve au début, elle croit que les agents qui la suivent et la sauvent parfois de mauvais pas font la même chose pour tous les américains : 

En tant qu'agents de la Sécurité intérieure, il protégeaient tous les Américains. Tout le temps.

Et ce qui fait la force de ce roman, c'est que l'auteur nous donne des pistes, puis passe à autre chose et nous les oublions. Elle évoluera après avoir rencontré le milliardaire qui en gage de déclaration, lui fait tout de même l'une des plus originales jamais lues: 

Tu as un vagin de compétition. Tes grandes lèvres sont parfaitement symétriques. Ton raphné est sublime. 

Si ce roman est un long conte sarcastique, il dénonce aussi les méfaits le consumérisme qui fait acheter les mêmes articles à tous, ici des gadgets sexuels, des romans de vampire et des chaussures hideuses. Pour moi, ce roman est un presque coup de coeur jusqu'à la rencontre avec Baba Barbe-Grise, la prêtresse multi-centenaire de l'amour. Le reste est en trop, à mon avis. 

A déconseiller dans la salle d'attente du médecin. J'ai tenté, j'ai mal assumé la couverture. 
Merci à celle qui m'a fait découvrir cet auteur. 

Nombre de pages : 359 • Prix public papier : 19 € • Prix public numérique : 15,99 € • Mise en vente : mars 2016



24 commentaires:

  1. j'avais repéré ce livre chez Jérôme - il me tente bien, tant que pour le contenu, que pour le titre et la couverture :D
    j'aime le marque-page qui me rappelle l'expo que nous avions toutes deux beaucoup aimée!

    tiens, tu m'as appris un mot, "raphé"...je vais essayer de le replacer dans une conversation du coup...

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    1. J'adore les deux marque-pages achetés lors de cette superbe expo et il me semble que celui-ci illustre bien le sujet.

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  2. En effet dans la salle d'attente cela doit être un peu spécial, je ne serai jamais capable .... par contre j'essaierai peut être un jour le livre, il,me tente bien.

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  3. Ah oui, entre Jane Austen et Chuck Palahniuk, tu as fait le grand écart! Malgré ton avis, je ne suis toujours pas tentée, pas sûr que je sois le bon public pour ce genre de littérature.

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    1. Je peux le comprendre mais c'est vraiment un presque sans-faute pour moi.

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  4. Je suis d'accord avec toi, une lecture misogyne de ce roman me paraît totalement erronée. Je confirme également qu'il n'y a rien d'érotique dans cette parodie (et malgré tout j'ai adoré).

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    1. C'est même sans doute pour ça que j'ai adoré moi aussi.

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  5. C'est vrai qu'avec l'arrivée de Baba Barbe-Grise, on frise le grand n'importe quoi... Mais bizarrement j'ai trouvé ça cohérent avec le reste, même le final, c'est dire ! Il est fort ce Palahniuk quand même ! ^^

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    1. Moi j'ai trouvé le reste si réussi et si bien construit que je me suis demandé ce qu'il avait pris pour écrire la fin.

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  6. Repéré chez Jérôme.
    Je ne sais pas trop si c'est pour moi.

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    1. Je ne sais pas trop non plus Sylire. Si tu aimes la satire, peut-être.

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  7. Bon je ne suis pas sûre que ce soit pour moi, mais t'imaginer dans la salle d'attente en train d'essayer de dissimuler ta lecture me fait bien rire :)

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  8. Pas particulièrement fan de cet auteur mais j'aime bien l'idée de satire sur cette thématique.

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    1. C'est effectivement un thème qui s'y prête particulièrement.

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  9. Je suis arrivé sur ton billet par le titre qui m'a aimanté ;)
    Bon, je ne crois pas que ce soit un livre pour moi, mais il a l'air de plaire à ceux qui le lisent en tout cas (c'est-à-dire toi et Jérome :D )

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  10. Contente de te retrouver Valérie :-)

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  11. :) dans la salle d'attente, il faut protéger la couverture par une grosse pochette cartonnée (ça me rappelle mon mari qui lisait une énorme bouquin sur Jésus dont le titre avait quelque chose de sectaire!)

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    1. J'ai des couvre-livres pour uniquement pour petits formats. ;)

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  12. Réponses
    1. Oh mais oui, je m'y pers avec les pseudos. C'est moi qui suis ravie de te retrouver !

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