L'avenir, justement, il va devenir de plus en plus proche. Il va même se rapprocher à une vitesse affolante. Il va se coller à moi de si près qu'on pourra bientôt nous enfermer tous les deux dans un petit mouchoir. L'avenir, je me souviens, était un champ ouvert et vaste, au fond duquel je devinais des sentiers qui partaient dans l'ombre. Désormais l'avenir est un trésor qui tient dans mes mains (...).
En août 2001, Lydie Violet s'effondre de sa chaise, dans la maison d'édition dans laquelle elle travaille. Elle apprend qu'elle est atteinte d'une maladie mortelle et que son espérance de vie n’excédera guère plus de huit. Lydie est alors au seuil de la quarantaine. Son amie Marie Desplechin lui propose alors d'écrire un livre à quatre mains sur ce parcours de femme malade. Le tout forme un tout dans lequel les deux femmes ont parfois eu du mal à démêler qui avait écrit quoi.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, ce livre fait plus sourire que pleurer car les deux femmes évitent avec soin le pathos. Bien évidemment, le sort de Lydie Violet émeut mais il y a visiblement beaucoup d'auto-dérision dans la manière de raconter son parcours du combattant (je dis apparemment parce qu'on ne sait pas laquelle des deux a écrit les passages qui nous donnent le sourire mais j'ai tendance à penser, vue l'homogénéité du livre, qu'il vient des deux). Réflexion sur le personnel soignant sans manichéisme: il y a, comme partout, des gens biens et d'autre qui le sont moins mais leur est consacré deux très belles pages qui font d'eux les super-héros du réel avec ce transfert que les patients feront et qu'il faudrait enseigner dans les facultés. Réflexion aussi sur le système français et sa manie de demander aux patients de se dénuder quand ce n'est pas nécessaire, sur l'entourage du malade, ceux qui se rapprochent et ceux qui prennent peur et ne savent pas comment gérer la maladie, sur les lettres reçues, notamment celles des croyants qui la touchent, elle qui a grandi chez les athées. Et il y a aussi la délicatesse avec laquelle est abordé le thème de l'amour quand on est malade puisque Lydie Violet est alors au début d'une procédure de divorce:
Je suis prête à faire le deuil de l'amour, et des belles pensées qui l'accompagnent. Ce que je veux, c'est un homme, de temps à autre, un homme qui me prenne dans ses bras et voilà tout. [...] On devrait couvrir d'honneurs les hommes disponibles, les amants sans drame, les adultères paisibles. Il faut du talent pour aller d'une femme à l'autre, et laisser où l'on passe un sillage de plaisir et de réconfort.
J'ai aimé cet essai, son thème et l'écriture à quatre mains. Il va prendre le chemin d'autres mains de mon entourage qui sauront, j'en suis certaine, l'aimer autant que moi. Lydie Violet est décédée en juillet 2015.
Le malheur peut durer longtemps. Mais, si on lui interdit de s'étendre, on arrive à restreindre considérablement la place qu'il occupe. [...] Le malheur et le bonheur peuvent cohabiter. Il n'est pas donné à tout le monde de le savoir.
Publié en janvier 2005 au Seuil. 120 pages. Prix Medicis essai 2005.
Merci à la personne qui a déposé ce livre dans l'ancienne cabine téléphonique de mon village, devenue cabane à livres (et au maire pour cette belle initiative).
A conseiller à ceux qui pensent qu'il faut parfois aborder la mort pour mieux apprécier la vie.
J'ai hésité devant ce livre et puis je l'ai perdu de vue. Tu relances pour envie de le découvrir.
RépondreSupprimerJe suis certaine qu'il te plairait beaucoup.
SupprimerZut, tu m'as donné envie (en dépit du sujet au départ), mais rien ici. Tu me fais aussi penser qu'il va falloir que je jette des regards dans les boites à livres qui commencent à arriver dans mon coin (j'ai déjà donné deux livres)
RépondreSupprimerJ'ai pour l'instant donné plus que j'ai pris (c'est le seul) mais j'aime l'idée aussi de déposer un livre pour quelqu'un qui pourrait l'aimer.
SupprimerOh la la, pas très gai comme sujet. Je n'ai pas trop envie de cela en ce moment, mais ce que tu en écris pourrait bien me tenter tout de même.
RépondreSupprimerJe fais aussi de belles découvertes dans les cabanes aux livres, j'aime beaucoup cette idée, mais je me demande souvent comment elles vont évoluer dans le temps.
Tu sais, ce livre m'a donné très envie de profiter de la vie, justement, de souffler fort dans mes voiles pour avancer plus vite.
SupprimerDans mon petit village de 200 habitants, la cabane est une cabine, pas une boîte; elle vieillit donc très bien.
Je n'ai pas été claire, c'est de ma faute, quand je parlais d'évoluer dans le temps, je pensais surtout qu'il faut que ce soit un vrai lieu d'échange, et pour en fréquenter pas mal, dans certains endroits, les gens prennent ce qui les intéresse, et pour se donner bonne conscience y laisse des vieilleries. Mais, à contrario, il y des endroits dans lesquels ils se renouvellent constamment et souvent. Voilà, ce matin, j'ai voulu être concise et du coup je me suis mal exprimée :)
SupprimerTu as raison, dans la nôtre, il y a de vieilles encyclopédies dont personne ne vaudra jamais, je suppose.
SupprimerSous ta belle bannière estivale, je note cette phrase pour accompagner ces jours-ci : "Le malheur et le bonheur peuvent cohabiter. Il n'est pas donné à tout le monde de le savoir."
RépondreSupprimerAlors je te souhaite du courage, Tania. Ce livre illustre parfaitement cette belle phrase. La vie s'était chargée de me le prouver avant que je ne tombe dessus. Je dirais même que le plus grand bonheur peut cohabiter avec le grand malheur, c'est sans doute toute la beauté de la vie.
SupprimerCe livre me fait penser au Journal d'un Vampire en Pyjama de Mathias Malzieu, drôle et tout en auto-dérision également. Bonheurs et malheurs cohabitent toujours, rien de neuf, mais je parle sûrement des petits ou des moyens. Avoir la perspective de mourir rapidement est une catastrophe.
RépondreSupprimerDifficile pour moi de juger car j'avais pas aimé le journal d'un vampire en pyjama mais oui, dans le ton, sans doute.
SupprimerJe crois, Mind the Gap, qu'l y a vraiment des moments où tu es imperméable au bonheur. Je pense aussi qu'on peut se laisser à des moments de bonheur même quand la mort, je le sais même. Par contre, tu as raison, quand c'est sa propre mort qui rôde, là , c'est difficile de savoir et de se mettre à la place de l'autre. Mais Lydie Violet l'écrit, ça doit donc être vrai.
Une belle initiative de la part de ton maire.
RépondreSupprimerOui, elle avait aussi fait venir un écrivain pour lire des textes. Et lui avait d'ailleurs donné sa signature aux élections, ce qui ne lui a pas suffi pour pouvoir se présenter.
SupprimerJe l'avais lu à sa sortie. Sans me souvenir des détails, j'ai souvenir d'une lecture très marquante.
RépondreSupprimerElle l'est, oui.
SupprimerAcheté en bouquinerie, lu et beaucoup aimé aussi ! J'ai retrouvé mon billet qui date de 2014... j'avais reproduit un long passage ;)
RépondreSupprimerhttp://antigonehc.canalblog.com/archives/2014/04/21/29701719.html
On a envie de citer de nombreuses phrases.
SupprimerLu et aimé il y a quelques années :)
RépondreSupprimerJe crois qu'on ne peut pas y rester indifférente.
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