dimanche 5 mars 2017

Qu'il emporte mon secret de Sylvie Le Bihan

Je réalise aujourd'hui que l'amnésie complète, celle qui remet les compteurs à zéro, est un leurre. L'oubli n'est qu'un lapsus de mémoire, un couvercle, au mieux un pansement, tout sauf une protection, car mon passé est encore là, sous-jacent, stocké, fiché par un cerveau qui rit de mes errances. 

Hélène, la quarantaine bien tassée, est écrivain. De sa chambre d'hôtel dans laquelle elle passe la nuit qui précède un procès, elle écrit à Léo, son amant, écrivain lui aussi, rencontré lors d'un salon du livre. Incapable de s'engager dans une relation amoureuse à long terme, elle lui annonce qu'elle le quitte mais lui explique aussi ce qui l'a menée à cette impossibilité de s'engager: le viol subi quand elle avait seize ans. 
Commençons par ce que j'ai préféré dans ce roman, l'auteure a le sens de la formule et prend même quelques risques: 
Certains prennent goût à leurs souffrances, ils s'identifient à elles des peuples entiers sont ancrés dans la mémoire de leurs douleurs; certains ne vivent que grâce à elle, en en faisant leurs racines, ce qui les fédère, les exclut, leur unique raison de justifier une vie de colère. 
La narratrice de ce roman est un être qui a choisi la distance face à l'amour :
Mon coeur n'est qu'un organe que j'entretiens en courant, il bat sans doute trop vite par instants et l'idée qu'il s'emballe me terrifie, alors je préfère qu'il batte par colère ou par vengeance plutôt que par amour. 
ou encore
Alors que j'idéalise la notion de couple, je n'ai jamais supporté les liens, l'emprise du quotidien me fait si peur que je fuis avant que le ciment ne sèche. 
La rencontre entre cette narratrice et moi-même ne pouvait cependant pas se faire car  je ne pouvais pas ressentir d'empathie pour cette femme qui quitte les hommes par peur de s'engager. Je vais même avouer que j'ai rarement trouvé une narratrice aussi antipathique. Et je l'écris un peu honteuse car j'ai depuis lu plusieurs interviews de cette auteure qui a été victime d'un viol à 17 ans et qui a su me toucher. Mais je me dois d'être honnête par rapport à mes impressions de lecture. J'ai par contre été très émue par son interview sur Elle.fr qui contrairement au roman, n'est pas dénué d'espoir. Elle prouve que cette peur de l'engagement peut être surmontée si on finit par tomber sur la bonne personne. Je dois cependant admettre que le retournement final, vraiment inattendu, est très réussi. Tiben a été émue, il n'a pas laissé Leiloona indifférente. Décidément, les corps de femmes nus sont à la mode en cette rentrée de janvier et je trouve ces couvertures très réussies. 

Date de parution 12/01/2017 chez Seuil
224 pages

A conseiller à celles qui aiment les narratrices froides et cabossées. 

17 commentaires:

  1. Désolée, mais les extraits me suffisent, je ne supporterais pas sur tout un roman.
    Ceci dit, j'ai vu l'auteur en interview, là elle me touchait et ça me parlait.

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    1. Je suis tout à fait d'accord: l'écouter ou la lire perler de sa vie est bien plus touchant.

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  2. Ah ça me plairait peut-être mais là forcément j'hésite un peu...

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  3. J'ai retenu le nom de l'auteure (un nom breton) mais je ne suis pas certaine de trouver mon compte dans ce roman. On verra s'il croise ma route un jour.

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  4. Je comprends parfaitement tes difficultés avec la narratrice, je crois que j'aurais eu les mêmes, en dehors de tout jugement de valeur cela s'entend.

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    1. Tout à fait, je ne juge pas (d'autant qu'il serait vraiment très épineux de juger cette narratrice, vu son passé) mais elle m'a agacée.

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  5. Une narratrice antipathique ? Cela a de quoi rebuter, en effet.

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  6. J'hésite beaucoup à lire ce roman je dois dire... Peut-être à l'occasion d'une sortie poche, à voir...

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  7. Ha, les écrivains sont compliqués en amour ??
    Je n'ai jamais entendu parler de cette auteur, mais les mots que tu cites et ce que tu dis me donnent envie de la lire.

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    1. L'auteure l'avoue elle-même, qu'elle est compliquée à cause de ce qu'elle a vécu. C'est le viol qui l'a "façonnée".

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  8. Je note que tu as eu du mal avec la narratrice, alors je passe mon tour.

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