Dira-t'on que l'eau est trompeuse, sirène séductrice, fatale, enjôleuse ? Cette façon qu'elle a d'annuler les duretés du monde, de dénouer les conflits, de dissoudre les hostilités, d'effacer les discordes, les âges, les noms et les renoms, de résoudre tous les problèmes en un tournemain, en quelques battements de chevilles...
Quand mon amie Nathalie a fait le grand ménage dans sa bibliothèque, elle m'a mis entre les mains un court livre qui évoque une activité à laquelle je m'adonne avec un grand plaisir, la natation. Annie Leclerc, dont le nom m'était inconnu, y parle de son rapport à la nage en y mêlant des réflexions sur la vie.
Ma pratique de la natation est en fait très différente de celle de l'auteure. Elle nage le crawl alors que je ne nage que la brasse, par choix. Je comprends très bien que pour les nageurs de crawl, je ne sois pas une vraie nageuse. Moi, certains nageurs de crawl (mais rarement les nageuses) ont le don de m'exaspérer tant ils éclaboussent sans se soucier des autres. Je n'utilise ni planche, ni palme. Je n'utilise pas l'eau pour me gainer. Par contre, j'aime sentir mon dos se muscler à chaque mouvement. Et puis, et là, je rejoins Annie Leclerc, j'utilise l'eau pour me consoler, réfléchir, m'envelopper. Moi qui cours (mais je ne suis pas certaine d'aimer courir, je crois que j'aime avoir couru), je trouve dans la natation un tout autre plaisir. J'ai coutume de dire que la course me permet de passer à l'égouttoir tout ce qui n'est pas important. Quand je cours, je réfléchis, comme lorsque je nage mais un écrémage a lieu et le superflu disparaît avec mes gouttes de sueur. J'en sors les idées plus claires. Avec l'eau, c'est différent; elle est mon élément, sans aucun doute. Elle me cajole. Dans cette piscine municipale découverte dans laquelle je nage une ou deux fois par semaine entre 1300 et 1400 mètres en 45 minutes, j'ai versé des larmes il y a plus de trois ans, j'ai dû nager avec un sourire jusqu'aux oreilles parfois, j'ai préparé des cours avec une amie, discuté livres, vie, amours avec d'autres. J'y ai écris des lettres que je n'ai jamais couchées sur le papier et des sms que j'ai envoyés dans ma cabine en sortant. C'est un lieu qui fait autant partie de moi que ma chambre à coucher et pourtant, je partage cette phrase :
Il arrive qu'on ne comprenne plus rien de cette obstination à poursuivre, à reprendre le chemin de la piscine, à se déshabiller, enfiler le maillot, se faire violence, toujours, je le souligne, pour entrer dans l'eau, même si elle annonce 28°, même si ça ne dure qu'une seconde.
Merci à Nathalie.
A conseiller aux nageurs pour s'interroger sur leur pratique de la natation.
Publié en 2002 chez Actes Sud. 84 pages.
Bonjour. Je ne connais pas de livre d'Annie Leclerc et ne savais pas du tout qu'elle avait la passion de la natation. A voir, donc.
RépondreSupprimerJ'ai répondu sur mon blog à votre commentaire dont je vous remercie.
IL faudra m'excuser, j'ai tendance à tutoyer sur les blogs, le tien comme le mien.
SupprimerJ'ai beaucoup aimé ton billet, il a beaucoup parlé à la femme que je suis et à celle que j'ai été.
Un saut sur le site de la médiathèque, et hop, j'ai noté ce titre! Comme toi je déteste (et essaie d'éviter) les mecs qui nagent le crawl sans tenir compte de leur environnement... Je n'ai pas tes performances, mais j'aime bien la piscine.
RépondreSupprimerOn peut nager le crawl sans gêner, alors c'est d'autant plus énervant cette manière de faire le paon en piscine.
SupprimerJe ne pense pas faire de performances, je nage d'un point à l'autre, sans m'arrêter. Seul le temps m'importe en fait et je ne compte pas mes longueurs quand je suis accompagnée.
Tu es une sacrée sportive ! J'aime bien les livres qui parlent de sport pour parler de la vie ( même si je ne fais JAMAIS de sport) mais j'en ai plusieurs qui m'attendent dans ma PAL
RépondreSupprimerSi tu savais comme la première phrase aurait fait rire la femme que j'étais il y a seulement cinq ans. Il m'a fallu du temps pour m'inclure dans ce terme, sportive. Oui, je suppose que je le suis, à ma manière. Mais faire du sport pour moi, je me demande si ça n'est pas davantage une pratique de l'esprit que du corps. Je me parle à moi-même.
SupprimerTu as trouvé des réponses à tes questions sur ta pratique de la natation ?
RépondreSupprimerPas dans ce qu'elle écrit, je pense que nos pratiques sont éloignées mais je les ai trouvées en contrepoint. Je crois que je les ai toujours eues d'ailleurs, ça a éclairé les choses.
SupprimerLe livre m'indiffère par contre j'aime beaucoup ton introspection...surtout quand tu dis que tu n'aimes pas vraiment courir mais avoir couru...
RépondreSupprimerJ'espère que ton haut de maillot n'est pas un message pour le mondial de foot :D
Ce n'est pas un message mais j'ai regardé quelques matchs figure-toi et j'ai même trouvé mon nouveau chouchou français (des années que j'étais quasiment incapable de nommer un joueur français, à part Griezman).
SupprimerC'est un beau billet, assez intime, je partage assez ton ressenti, sur la course parce que je ne nage pas tellement, il y a un autre moment qui me fait ce même effet ce sont les voyages en train, en regardant les paysages défilés à travers la vitre.
RépondreSupprimerEn train, je regarde peu le paysage mais moi aussi, je plonge dans mes pensées quand je ne lis pas.
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